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réaction des instincts conservateurs se précipite, ne s’arrête même plus à la dictature préservatrice du général Cavaignac et va jusqu’à élever à un pouvoir quasi souverain, à la présidence un prince sans prestige, uniquement parce qu’il porte un nom, symbole de l’ordre à outrance. La quatrième phase enfin, c’est la lutte de trois ans, fuite pleine de péripéties, entre une assemblée puissante par le talent, mais incohérente, et le prince taciturne qui épie l’heure de frapper le dernier coup. C’est le drame qui se déroule entre le 24 février 1848 et le 2 décembre 1851, — qui commence avec la révolution même pour ne plus s’arrêter qu’au dénoûment.

Déjà, à dire vrai, le 4 mai 1843, le jour même où l’assemblée qui venait d’être élue acclamait « dix-sept fois » la république sur les marches du palais Bourbon devant le peuple répandu sur les quais, dès ce jour la question n’était plus entière. Je veux dire que la bonne volonté, qui avait paru d’abord accueillir la révolution, n’était plus sans inquiétude. Les deux mois qui venaient de passer avaient suffi pour amasser les périls autour de la république nouvelle. Ils avaient eu le double effet de multiplier d’un côté les élémens incandescens, de préparer au Champ de Mars, sous le nom d’ateliers nationaux, une sorte de garde prétorienne de l’émeute, et, d’un autre côté, de réveiller les sentimens conservateurs, les instincts de résistance dans le pays. L’assemblée elle-même se ressentait des conditions dans lesquelles elle avait été élue ; elle n’était pas sans bien des bigarrures. Elle se composait d’anciens royalistes ramenés dans la vie publique, Berryer, M. de Larcy, M. de Vatimesnil, M. de Falloux lui-même en tête, — d’anciens parlementaires de 1830, M. Odilon Barrot, M. Dufaure, Rémusat, Tocqueville, Vivien, — de catholiques représentés par des évêques, par des prêtres, surtout par Montalembert, — et d’une immense majorité de républicains ; dans son ensemble, — à part ce qu’on appelait déjà, par réminiscence, la Montagne, — c’était une assemblée aux intentions droites, aux instincts honnêtes, un peu embarrassée de sa puissance. Elle avait cela de caractéristique et de frappant que parmi tant d’hommes si divers d’origines et de traditions, un peu étonnés de se trouver ensemble, toute dissidence de parti semblait pour le moment s’effacer et que dans une si vaste réunion où tout était nouveau, les anciens parlementaires avaient nécessairement l’avantage de l’expérience. Ils étaient appelés à être la lumière, la sagesse modératrice des comités du nouveau parlement. Berryer était, au comité des finances où le rejoignait bientôt M. Thiers. M. Odilon Barrot, M. Dufaure, M. de Tocqueville étaient au comité de constitution. Montalembert allait défendre la liberté religieuse, la liberté de l’enseignement au comité de. l’instruction publique. M. de Falloux, qui était à la fois un homme des anciens partis et un homme nouveau, M. de