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REVUE MUSICALE

Concerts du Châtelet : les Béatitudes, oratorio ; paroles de Mme Colomb, musique de César Franck. — Théâtre de l’Opéra-Comique : Kassia, drame lyrique en 4 actes ; paroles de MM. Meilhac et Ph. Gille ; musique de Léo Delibes.

On a parfois prétendu que la beauté parfaite, comme l’eau, n’a pas de goût ni de couleur particulière. Si cela était vrai, les Béatitudes seraient une œuvre parfaitement belle ; mais cela n’est pas vrai, et les Béatitudes ne sont qu’une œuvre incolore et insipide. J’ai fait mon devoir : j’ai entendu d’un bout à l’autre l’oratorio de César Franck. Je l’ai même écouté. Après une lecture et des auditions partielles, je soupçonnais cette musique d’être ennuyeuse ; après une audition complète, j’ai la conviction qu’elle l’est en effet.

Le poème des Béatitudes paraît être l’ouvrage d’une dame bien pensante, mais écrivant moins bien, d’une poétesse de catéchisme ou de patronage, qui de la meilleure foi du monde a mis le sermon sur la montagne en couplets comme celui-ci :


Heureux l’homme épris des biens véritables,
Qui n’attache point son cœur
À des richesses périssables,
Et dans le sein des misérables
Répand les dons qu’il reçut du Seigneur…


Heureux les pauvres d’esprit, parce que le royaume des cieux est à eux. — Ainsi avait dit le Christ, plus brièvement et peut-être mieux. S’il a préféré ce texte à celui de Mme Colomb, dont il devait pourtant avoir connaissance, en vertu de la prescience divine, sans doute il avait ses raisons. Il est permis de regretter que Mme Colomb ne les ait pas admises.

Chacune des maximes saintes est délayée de même, mise en dialogue et parfois presque en action. À quels excès, comme disait Voltaire, le zèle de la religion ne se porte-t-il point chez les dames !