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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : la Paix du ménage, comédie en 2 actes, de M. Guy de Maupassant. — Odéon : une Page d’amour, drame tiré par M. Samson du roman de M. Emile Zola. — Vaudeville : les Drames sacrés, de MM. A. Silvestre et Morand, indique de M. Gounod.

La Paix du ménage, ou du trouble que peut apporter dans le régime de la communauté d’adultère, la moindre interruption de l’adultère du mari. On ne saurait rien voir de plus déplaisant que cette comédie, et si, comme hélas ! il est à craindre, nous sommes en présence de la dernière œuvre du pauvre Guy de Maupassant et de sa dernière pensée, il est permis de regretter que cette œuvre ne soit pas plus intéressante, et moins malpropre cette pensée.

Madeleine, comtesse de Salus, est mariée depuis cinq ans au comte Jean, un libertin, un de ces beaux de club, qui sont, dit-on, les pires des beaux. Elle a commencé par l’aimer assez gentiment, et lui-même, pendant les premiers temps, a montré quelque gentillesse. Mais bientôt il s’est lassé d’elle ; il a pris des maîtresses : d’abord de grandes dames, de petites ensuite, sans pourtant cesser entièrement de garder les apparences conjugales. Un jour, ou un soir, après une explication orageuse, Mme de Salus a dispensé son mari, pour toujours, de semblables manifestations, lui signifiant qu’il eût à porter ailleurs ses intermittentes fantaisies. Deux ans ils ont vécu ainsi, en voisins, et au bout de ces deux années, Mme de Salus a pris un amant : Jacques de Randol. Pourquoi un amant ? Parce que (je cite ses expressions), parce qu’elle se considérait, ayant tout à fait cessé de plaire à son mari, comme parfaitement libre moralement. Pourquoi cet amant ? Pour lui faire plaisir à lui plus qu’à elle-même, à lui qui l’aimait. Tout ça n’est déjà pas propre, dit Mme de Salus, et « tout ça » n’est que le commencement. M. de Salus est en train de redevenir amoureux de sa femme. Elle