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REMBRANDT
ET
SON DERNIER BIOGRAPHE

Pour écrire le beau livre que M. Emile Michel vient de consacrer à la gloire de Rembrandt, il fallait à la fois être un peintre versé dans la science et dans toutes les pratiques de son art et avoir, avec le sens critique, le goût des travaux d’érudition, des recherches savantes et minutieuses. Il fallait avoir lu avec soin tout ce qui a été écrit dans diverses langues sur le fils du meunier de Leyde, molitoris Leydensis filius, et être en état de séparer l’ivraie du bon grain, de tout contrôler, de tout vérifier. Il fallait avoir le pied léger, courir toute l’Europe, se transporter dans le nord et dans le midi de l’Allemagne, en Angleterre, en Russie, en Danemark, en Suède, pour revoir et étudier toutes les œuvres du maître. Il ne suffisait pas d’avoir l’humeur voyageuse, il fallait être un de ces curieux aimables, qui par leur entregent se créent des relations utiles, se gagnent la confiance des directeurs de musées et des riches possesseurs de collections particulières, se font ouvrir les archives secrètes, apprivoisent les dragons qui veillent jalousement sur les trésors confiés à leur garde. Mais il fallait surtout aimer assez Rembrandt pour vivre durant de longues années avec lui, dans son intimité, entouré des reproductions de ses tableaux, de ses dessins, de ses eaux-fortes. L’amour est patient, a dit l’apôtre ; M. Emile Michel a eu cette patience des amoureux que rien ne rebute ni ne lasse, et comme la vertu est quelquefois récompensée, il a trouvé des éditeurs disposés à ne rien épargner, à ne rien négliger pour que