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ambition, — même après Léopold Ranke. M. de Falloux a eu depuis, il est vrai, à se défendre de s’être lait, chemin faisant, l’apologiste de l’inquisition, de la Saint-Barthélémy. Il avait tout au plus essayé de dégager la responsabilité de l’Église dans la Saint-Barthélémy, en expliquant l’horrible tuerie par la politique, par les mœurs du temps, par une Catherine de Médicis et un Charles IX, « c’est-à-dire par un régime tout rempli de duplicité, de luxure et d’embûches. » Il n’allait pas au-delà de cette explication tout historique, qui vaut ce qu’elle vaut, et n’a jamais voulu, je crois, proposer l’inquisition pour idéal, ou pour modèle. Il n’était pas fait pour les exagérations et pour les vaines ou choquantes réhabilitations de ce qu’il a appelé depuis « les barbaries devenues, grâce à Dieu, désormais impossibles. » Il avait plutôt la pensée de réconcilier le mouvement de renaissance catholique qui se manifestait autour de lui, qu’il croyait servir, avec le progrès universel, avec les découvertes modernes de la science et des arts, avec toutes les transformations d’un siècle en marche.

Ce n’est point évidemment par la nouveauté ni par la profondeur que brillaient ces études de jeunesse d’un homme qui a avoué lui-même que la facilité avait toujours été une de ses qualités et un de ses défauts. Ce Louis XVI, cette Vie de saint Pie V, on n’en peut douter, étaient les ouvrages d’un talent facile, prompt à s’assimiler les idées et à les coordonner avec dextérité, cherchant la politique dans l’histoire. Ils étaient de plus écrits dans une langue souple, aisée et courante, la langue, eût-on dit, d’un homme déjà fait pour parler ou pour agir plus que pour écrire. La polémique est aussi une action ; mais ce qui était surtout frappant et ressemblait à un trait distinctif de cette brillante nature, c’était un esprit dégagé et ouvert, impatient de se mêler aux affaires du jour. Bien qu’il restât légitimiste et catholique, il ne semblait nullement disposé à s’enchaîner au passé ou à s’immobiliser dans une inaction morose. Il n’était pas des arriérés de son parti qui s’arrêtaient et voudraient encore nous ramener à 1788. Il voyait sans embarras en 1789 la date de la France moderne. « J’avais, a-t-il dit un jour, le cœur et l’esprit tout pleins des illusions de mon siècle. Je le croyais appelé à de grandes destinées… » Il voulait être de son temps ; il n’en répudiait ni les progrès, ni les espérances, ni les vœux, — en se réservant, bien entendu, d’entrer un jour ou l’autre plus avant dans ces mêlées du temps avec ses propres croyances, avec ses idées et sa mesure. Il était, en un mot, dans la génération grandissante de ceux qui ne se désintéressent de rien.

Je voudrais resserrer ou préciser les traits de cette jeune physionomie et montrer dans sa formation multiple cette nature si fine « t si compliquée. Les années de 1830-1845 avaient été ce qu’on