Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 116.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faute en tolérant, bien plus, en implorant ce premier pas du pape. M. Geffcken le déclare sans ambages. Mais alors, encore une fois, qu’allait faire M. Geffcken à Rome, en 1882, de la part du maréchal de Manteuffel, statthalter d’Alsace-Lorraine ?

Pour commettre cette « grande faute, » il fallait que Léon XIII, que M. Geffcken veut bien ne pas prendre du tout pour un politique léger, eût un mobile très fort et presque irrésistible. Ce mobile, M. Geffcken nous le dévoile : c’est « l’idée fixe du rétablissement du pouvoir temporel, » laquelle idée fixe « domine toute la politique actuelle » du saint-siège. Remarquez que M. Geffcken ne doute, ni ne bronche, ni n’hésite. Axiome double, axiome à deux branches : Léon XIII a une idée fixe, qui est le rétablissement du pouvoir temporel ; cette idée fixe domine toute sa politique.

On ne sait si toute cette partie de la brochure de M. Geffcken, qui voudrait être désagréable au pape, sera des plus agréables à l’Italie officielle. Sans y traiter, en effet, la question romaine, que nous nous garderions, quant à nous, de poser seulement, M. Geffcken la pose et fait, au passage, cinq observations qui certainement auront appelé l’attention de la Consulta : 1° « On peut très bien admettre, écrit M. Geffcken, que la Roma capitale n’était pas une conséquence nécessaire de l’annexion des États pontificaux ; » 2° Cavour n’avait jeté ce cri de Rome capitale « que sous la condition expresse d’y arriver par une entente avec le pape et la France ; » 3° porter à Rome le siège du gouvernement, c’était « augmenter grandement les difficultés de la situation ; » 4° les faits n’ont pas justifié le mot de Victor-Emmanuel : « Rome est assez grande pour recevoir deux monarques ; » 5° « l’occupation de Rome ne répondait pas aux obligations internationales, prises par l’Italie dans la convention de septembre 1864 et ratifiées par une dépêche du ministre des affaires étrangères du 4 août 1870, lors de la retraite de la garnison française. »

Il est vrai que M. Geffcken passe tout aussitôt à la contre-partie, mais ses raisons pour l’occupation de Rome sont faibles par rapport aux raisons contraires : ce sont des raisons de sentiment, vagues comme toutes les raisons de sentiment ; ce sont de ces raisons du cœur, dont est faite souvent la raison d’État, mais que la justice, c’est-à-dire encore la raison dans les actes, ne connaît pas et ne peut pas connaître. M. Geffcken pense et parle comme M. Crispi, comme le grand-maître de la franc-maçonnerie italienne, M. Adriano Lemmi. Lorsque le ministère Lanza s’empara de Rome, quelques semaines après avoir renouvelé la promesse de n’y pas aller, que fit-il ? « Il agit sous la pression irrésistible du peuple. » M. H. Geffcken le déclare et il ajoute, comme l’eût fait Pantaleoni,