maréchal de Manteuffel, le saint-siège est bien intervenu « en commandant au clergé de l’Alsace-Lorraine la prière officielle pour l’empereur. » Le secrétaire d’État répondit que c’était autre chose « puisqu’on pouvait prier pour tout le monde. » Instances, objurgations, rien n’y fit. M. Geffcken perdit patience. Il s’ouvrit de son insuccès à un ecclésiastique romain qui se contenta de sourire : « Cher monsieur, vous ne connaissez pas encore la cour de Rome ! » et qui, si les souvenirs de M. Geffcken sont exacts (ils peuvent et doivent l’être), expliqua le refus du cardinal Jacobini par la crainte de voir diminuer en France le denier de saint Pierre. Finalement, il lui conseilla de s’adresser au pape lui-même. Trop modeste négociateur à qui cette pensée ne serait pas venue !
M. H. Geffcken sollicita et obtint une audience. Il en décrit le cérémonial avec une pompe un peu naïve. Ce fut la plus ordinaire des audiences privées. M. Geffcken, introduit près du pape, débuta par un compliment. Il lui dit qu’il voulait partir pour Pérouse, mais qu’il avait préféré voir le Pérugin vivant au lieu du Pérugin mort. Léon XIII prit, à ce qu’affirme M. Geffcken, une si délicate flatterie en bonne grâce. Je le veux croire. Tout de suite, le pape vint au fait. Il remercia M. de Manteuffel « de la bienveillance avec laquelle il traitait l’Église d’Alsace-Lorraine. » Puis il attendit. M. Geffcken aborda peu à peu son sujet. C’est lui qui écrit « peu à peu. » Le pape l’aborda plus prudemment encore : il ne fit qu’écouter et interroger. M. Geffcken en conclut que « la situation n’était qu’imparfaitement connue de Léon XIII. » C’est bien hardi. M. Geffcken eût désiré s’étendre plus longuement sur ce chapitre, mais le pape y coupa court par une phrase dont le narrateur a dû forcer, sinon le sens, au moins l’accent : « Je vous autorise à assurer M. le maréchal que j’y mettrai bon ordre. » La réponse de Léon XIII n’a pas dû revêtir cette raideur tout allemande et militaire. Elle a dû n’être qu’une sorte de : « Nous verrons, » le Vedremo diplomatique et italien. Ce qui le prouve, c’est que, de l’aveu de M. Geffcken, aucun acte ne s’ensuivit.
Pendant toute la première partie de l’entretien, le saint-père avait laissé parler M. Geffcken. À peine M. Geffcken eut-il achevé ses doléances que le pape prit l’offensive et fit à l’envoyé de M. de Manteuffel cette déclaration très nette : « Il nous faut une révision de la législation ecclésiastique prussienne, inacceptable pour l’Église, par une loi qui définitivement rende justice aux plaintes fondées des catholiques et qui lie le gouvernement. Vraiment, je ne conçois pas qu’un homme d’État, comme le prince de Bismarck, ne comprenne pas que seulement une telle loi générale, conçue dans un sens large, peut mettre fin à la lutte déplorable