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qu’on la peut attendre d’une trinité aussi sage, mais enfin un extrait ou plutôt trois extraits de la triple alliance.

Professeur, diplomate et philosophe cosmopolites. L’Allemand écrit en français, l’Austro-Hongrois en anglais ; il n’y a que l’Italien qui, une fois n’est pas coutume, ait écrit en italien. La brochure française de M. Gefflcken a pour titre : Léon XIII devant l’Allemagne ; l’étude anglaise du diplomate autrichien, la Politique de Léon XIII ; l’article de M. Bonghi : l’Église et l’Italie. — Lettre ouverte à sa sainteté Léon XIII. La brochure a paru vers le milieu d’octobre ; l’étude du diplomate, dans la Contemporary Review du même mois ; l’article de M. Bonghi, dans la Nuova Antologia du 1er décembre. Identité d’inspiration, simultanéité de publication, no sommes-nous pas en présence d’une sorte « d’action parallèle ? »

J’écarte M. Bonghi, qui est (tous les ministres de son pays l’ont éprouvé à leurs dépens) un indiscipliné, un humoriste, qui ne sait obéir qu’à lui-même et, encore, lui-même ne s’obéit guère : à celui-là, on n’impose pas de plan préconçu : il dit ses vérités même à la triple alliance[1]. Mais pour les autres, pour M. Geffcken et le diplomate de la Contemporary Review, « l’action parallèle » est certaine ; ou le fond et la forme ont été combinés à l’avance jusqu’aux moindres détails, ou l’imitation va jusqu’au plagiat ; ou bien M. Geffcken a servilement copié le diplomate de la Contemporary Review, ou bien il n’y a pas de diplomate austro-hongrois dans cette affaire et c’est M. Geffcken, le diplomate masqué de la Contemporary Review.

Peu importent, au surplus, le va-et-vient, les transformations des personnages ; un même fil les tient attachés, un même doigt les fait mouvoir. C’est ici le grand et unique théâtre de la politique internationale ; les comédiens s’agitent sur la scène, mais le poète est dans les coulisses, inquiet, anxieux, suivant de l’œil et de l’oreille sa pensée qui parle, sa volonté qui marche. De tout ce que peuvent dire plus ou moins finement le financier, l’amoureux et le traître, il n’y a que cette volonté à surprendre, cette pensée à dégager.

Nous allons tâcher de le faire. Nous allons reprendre un à un les termes du syllogisme qu’on nous propose et qu’on voudrait nous imposer, examinant successivement quelle a été la politique de Léon XIII envers les différens États, ce qu’elle a été d’après M. Geffcken et le diplomate, d’après M. Bonghi, ce qu’elle a été d’après les publicistes catholiques qui se sont donné ou qui ont

  1. Voyez le récent article de M. Bonghi dans le journal le Matin.