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répondaient de lui sur leurs têtes[1]. » M. de Broves leur avait à peine été livré que les volontaires rentrèrent tumultueusement dans l’hôtel, « malgré les efforts de plusieurs de leurs officiers qui voulaient les empêcher, » et déclarèrent qu’il leur fallait aussi M. de Village. Le commandant essaya de faire entendre raison à ces forcenés, mais ce fut peine perdue. Sur le refus énergique qu’il opposa à leur nouvelle et injustifiable exigence, on se jeta sur lui, on lui arracha son épée et on l’entraîna hors de l’hôtel. « Je lus mené au palais (de justice), dépose M. de Rions, à travers les huées et les insultes de la populace ; quelques volontaires cherchèrent à m’assommer en route, tandis que d’autres me détendirent de leur mieux, ce qui ne m’empêcha pas de recevoir un coup de crosse entre les épaules, qui m’eût renversé si je n’avais été soutenu. Je reçus un second coup qui me fit peu de mal ; mais j’eusse vraisemblablement péri, si les volontaires les plus près de moi n’avaient paré plusieurs autres coups qui me furent portés. Arrivé au palais, on me fit d’abord monter dans un cabinet où il y avait du feu et où j’étais peut-être attendu ; mais plusieurs volontaires décidèrent qu’il me fallait mettre au cachot, comme M. de Broves y avait été mis[2]. » Un débat s’engagea entre eux sur la question de savoir si l’on enfermerait ou non le commandant de la marine dans un cachot, comme un malfaiteur. M. de Rions y mit fin en leur disant M qu’il était prêt d’aller partout où il pourrait être débarrassé d’eux. » Cette hauteur dédaigneuse, ce sang-froid conservé au milieu des insultes et des coups, portèrent au comble la fureur de ces hommes : M. de Rions fut jeté dans un des plus infects cachots du palais, en compagnie d’un individu condamné aux galères. Ce fut seulement au bout d’une heure que le consul, accompagné du lieutenant civil et criminel et d’un membre du conseil permanent, vint l’en tirer. On le fit alors passer dans une pièce où il trouva le commandeur de Village, le marquis de Castellet, officiers de marine, arrêtés comme lui et comme lui traînés au palais où le comte de Broves les avait précédés. « M. de Bonneval, arrêté le dernier de nous tous, arriva trop tard pour avoir les honneurs du cachot. » Ces officiers apprirent à leurs chefs que l’hôtel de la marine avait été envahi par les volontaires ; qu’ils s’y étaient livrés à une

  1. Mémoire de M. de Rions. — S’il faut en croire l’auteur de l’Histoire de la Révolution dans le département du Var, M. de Broves aurait généreusement insisté auprès de son chef pour se livrer lui-même. Des cris de mort l’accueillirent à sa sortie de l’hôtel. Il crut qu’il allait être massacré et remit sa montre à un officier de la garde nationale « en le priant d’acquitter pour lui les services de son domestique. » (Lauvergne, p. 41-42.)
  2. Mémoire de M. de Rions.