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Guadalajara notamment, une cité de près de 100,000 âmes, qu’on nomme à bon droit l’Athènes du Mexique, reste une ravissante ville espagnole. La société y garde, sous un ciel enchanteur et au milieu de la flore des tropiques, un aspect castillan qui est aux antipodes de la civilisation rude et utilitaire des États-Unis. Toutefois, sur la frontière du nord, là où la population mexicaine est moins dense, l’influence américaine se fait sentir encore plus qu’à Mexico. À Chihuahua, à Monterey, les maisons et la plupart des édifices conservent l’architecture nationale, mais les nouvelles constructions sont faites sur le type prédominant dans tout l’ouest américain : de hauts édifices percés de fenêtres multipliées et desservis par des ascenseurs à tous les étages. L’espagnol est encore la langue courante et les courses de taureaux demeurent une grande affaire pour tous ; mais la vie commerciale et industrielle est tout à fait américaine. L’anglais y est déjà la langue des affaires.


VI

Au point de vue politique, le Mexique est destiné à évoluer de plus en plus dans l’orbite des États-Unis. La doctrine de Monroë signifie en réalité leur hégémonie sur les deux Amériques ; et comme de nos jours, par un heureux progrès humanitaire, les intérêts économiques tendent à dominer toujours davantage la politique, c’est sur ce terrain qu’il y a trois ans fut convoquée la conférence diplomatique, à laquelle on a donné le nom de congrès panaméricain. Rien de positif n’en est sorti ; mais on a appris aux républiques du sud le chemin de Washington ; on les a habituées à chercher au nord leur étoile polaire. Dans les dernières révolutions du Brésil et du Chili, la main des Américains, plus ou moins soutenus par leur gouvernement, a été très visible.

Par sa position géographique et par ses relations économiques, le Mexique est plus que tout autre pays placé sous cette action. Si jamais un pronunciamiento dans les provinces du nord était favorisé par le gouvernement de Washington, il aurait évidemment des chances sérieuses de réussite. À Mexico, le ministre des États-Unis est le seul qui compte. Il y est du reste depuis longtemps et s’est fait très bien voir de la société. Quant aux ministres des puissances européennes, leurs instructions se résument toutes en deux mots : surtout ne faites rien, et c’est fort sage. Les colonies étrangères, qui sont fort nombreuses, se tirent d’affaire elles-mêmes.

Il ne faut pas croire toutefois que les États-Unis pensent à