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hellénique, ainsi qu’aux renégats. Cette précaution ne fut pas inutile. Dans la longue lutte qui va suivre, Akra resta toujours entre les mains des Syriens ; elle ne sera conquise par les Juifs que dans vingt-six ans, en 141.

Le culte juif fut interrompu ; le sacrifice perpétuel, ou tamid, cessa. Le temple fut nécessairement transformé selon les besoins nouveaux. Le patron de la propagande syrienne était Jupiter Olympien. Jupiter Olympien fut substitué à Iahvé. L’ameublement intérieur du temple avait été pillé deux ans auparavant ; l’autel des parfums, le chandelier à sept branches, la table des pains de proposition étaient enlevés. On ne sait quelles transformations firent les païens dans le saint des saints ; les portes étaient fermées ; selon les habitudes helléniques, le grand autel devant le temple avait seul de l’importance. Là se passa un fait des plus graves. Une statue de Jupiter Olympien fut placée sur un soubassement ajouté derrière l’autel, si bien que c’était à elle que les sacrifices étaient offerts. Cette image fit aux Juifs une horreur indicible. Ils se rappelèrent la date où elle avait été érigée, le 15 kislev de l’an 145 des Séleucides, par conséquent en décembre 168 avant Jésus-Christ. Ils accumulèrent pour la désigner les mots les plus sales qu’ils purent ; ils l’appelèrent « la crotte malfaisante, » que les Grecs rendirent par βδελυχμία τῆς ἐρημώσεως, « l’abomination de la désolation, » selon le latin[1]. Le comble de l’horreur était, en effet, atteint. Iahvé était remplacé par son rival, qui, au seuil même de son temple, recevait, à sa place, la fumée des victimes. Jamais pareille abomination ne s’était vue. Nabuchodonosor avait détruit le sanctuaire ; cette fois c’était un Dieu étranger qui s’installait dans la demeure même de Iahvé et usurpait ses honneurs. O horreur !

De pareils autels à Jupiter Olympien furent élevés dans les villes juives des environs de Jérusalem. Iahvé fut poursuivi jusque dans son sanctuaire du Garizim. Là, ce fut le vocable de Zeus Xenios, qui prévalut. La population samaritaine offrit sans doute moins de résistance que la population juive ; on ne parle pas de martyrs samaritains à cette date[2].

En même temps que le culte grec était établi dans toute la Judée, le culte juif était sévèrement proscrit. La circoncision, l’observation du sabbat et des autres prescriptions juives étaient défendues sous peine de mort. La surveillance était des plus sévères. La

  1. Daniel, IX, 27 ; XI, 31 ; XII, 11. Cf. VIII, 13 ; I Macch., I, 54-59 ; II Macch., VI, 2. Cf. Matth., XXIV, 15.
  2. Le passage I Macch., III, 10, semble même supposer que les Samaritains firent cause commune avec les Syriens contre les Juifs.