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lui la théocratie. L’excuse de ces hommes considérables est que la théocratie, quand elle fut maîtresse, persécuta ses adversaires bien plus cruellement encore que ses adversaires ne l’avaient persécutée. Antiochus, avant d’arriver au trône, avait passé sa jeunesse à Rome comme otage. Peut-être puisa-t-il dans l’intimité des grandes familles romaines, où il s’était formé, cet absolu dans les idées et ce mépris des religions autres que les superstitions nationales, qui plus tard devait faire de l’empire romain le pire ennemi de toute théocratie.


II

Dès son avènement (175 avant J.-C), Antiochus se montra mal disposé pour les Juifs, au moins pour les Juifs piétistes ou hasidim. Tous les emplois étaient réservés aux Juifs libéraux, dont plusieurs, pour se rendre agréables au roi, renoncèrent à leur religion et se firent adorateurs de Jupiter Olympien. Ces apostasies furent nombreuses[1]. Le renégat devenait l’objet de toutes les faveurs ; les places, les emplois lucratifs étaient pour lui[2]. La circoncision restait, de son vieil état, un souvenir pénible, qui l’exposait dans les lieux publics à des observations désobligeantes. Il y remédiait par une opération douloureuse que Celse a décrite[3]. À partir de ce moment, le renégat prenait un air crâne, se promenait partout en costume grec, s’attachait à réaliser en tout le type d’un Grec accompli, n’avait que du mépris pour les usages mosaïques et pour ses coreligionnaires arriérés.

On conçoit l’horreur et la douleur que l’Hiérosolymite fidèle éprouvait à la vue d’un pareil être, souvent affublé de titres officiels et largement rétribué pour son apostasie. De jour en jour, l’épidémie d’hellénisme sévissait ; les modes d’Antioche se propageaient comme par enchantement ; dans la ville, la majorité était gagnée aux nouveautés[4]. L’avènement d’Antiochus, dont on connaissait probablement les idées, donna au parti grec une force invincible. Le grand-prètre Onias III était le chef de la résistance ; c’était un homme pieux et ferme, qui, sous Séleucus Philopator, avait défendu énergiquement le trésor du temple[5] ; son frère

  1. I Macch., I, 14.
  2. Daniel, XI, 30-39 ; I Macch., II, 18.
  3. I Macch., I. 16. Cf. les Apôtres, p. 330.
  4. I Macch., I, 12-16.
  5. II Macch., III, 1 et suiv., IV, 1 et suiv.