que la force du gouvernement restait la seule ressource contre les catastrophes. Ce n’est peut-être qu’une tactique pour revenir à la nécessité de la loi militaire ; ce discours n’est pas moins l’aveu d’une situation qui n’a rien d’aisé pour un chancelier, fût-il plus fort que M. de Caprivi.
La vie publique, dans tous les pays, offre parfois d’étranges contrastes, de curieux spectacles. En fait de spectacles singuliers, il n’en est certainement pas de plus frappant que ce qui se passe depuis quelques jours à Rome, dans cette Rome qui n’a pas perdu son attrait souverain, qui est devenue la capitale de l’Italie nouvelle sans cesser d’être la vieille capitale de la papauté.
D’un côté, le pape Léon XIII, qui célébrait, il y a quelques années, avec éclat son jubilé sacerdotal, célèbre aujourd’hui un nouveau jubilé, le cinquantième anniversaire de son avènement à l’épiscopat ; il fête aussi le quinzième anniversaire de son avènement à la tiare, — et de toutes parts, des contrées les plus lointaines du monde, accourent autour de lui les députations, les pèlerinages qui vont se presser à Saint-Pierre. Tous les gouvernemens à peu près sans distinction, le gouvernement français en tête, se sont fait un devoir de témoigner leur déférence au pontife en confiant à leurs représentans ou à des envoyés extraordinaires une mission d’honneur. L’Allemagne a envoyé le général de Loë, la France avait son ambassadeur, M. Lefebvre de Behaine. La Russie, l’Autriche, l’Angleterre, l’Espagne, la Belgique, sont représentées aux fêtes jubilaires de Rome. Le sultan lui-même a sa mission extraordinaire. À qui donc sont rendus ces hommages qui retentissent à Rome ? Ce n’est point assurément à un prince puissant. Le saint-père est le plus dénué des souverains terrestres ; il n’a ni provinces ni armée, ni police, ni même un budget assuré. Il n’a d’autre domaine que le Vatican et son jardin ; les soldats italiens font le service d’ordre, comme on l’a vu ces jours-ci, jusqu’au seuil de Saint-Pierre. Non, celui qui reçoit ces honneurs n’est point le chef d’un vaste État ; c’est tout simplement le représentant d’une puissance morale, et par surcroît il s’est trouvé que depuis quinze ans cette puissance morale a été relevée et illustrée par un pape qui a montré un esprit aussi clairvoyant que résolu, une sagesse supérieure, alliant la fermeté du chef catholique à la sympathie pour son siècle. Léon XIII aura marqué son passage par des initiatives fécondes, par toute une politique, par une autorité modératrice qui l’a fait choisir comme arbitre par les plus puissans de la terre. C’est le sens profond de ces fêtes pacifiques de Rome, de ce jubilé du Vatican.
D’un autre côté, on ne peut pas dire le contraire, l’Italie qui, elle aussi, règne à Rome, au Quirinal et à Monte-Citorio, n’est pas précisément dans une phase des plus favorables ; elle en a elle-même, à ce