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radicalisme, M. Leydet, prétendant demander des explications sur un malentendu qui ne pouvait exister au sujet du discours de M. Cavaignac et de l’ordre du jour qui en avait été la suite.

C’était cependant aussi clair que possible : M. Cavaignac, sans incriminer le gouvernement, n’avait pas craint de déclarer qu’il restait encore bien des obscurités dans ces tristes affaires de corruption livrées à la justice, que ce qui avait été fait jusqu’ici ne suffisait pas pour désintéresser la « conscience publique ; » il avait signalé à la chambre des « pratiques gouvernementales, » suspectes, avouées par les coupables eux-mêmes, et il avait ajouté que ces procédés de gouvernement ne devaient plus se renouveler, qu’on devait au pays de « changer de système. » C’est justement ce que la chambre avait sanctionné d’un vote unanime, ratifiant tout, et la flétrissure des corruptions parlementaires et la « réprobation » des « pratiques » suspectes, C’est ce que le ministère lui-même avait accepté sans voir dans un ordre du jour pour la vertu l’expression d’un sentiment d’hostilité. Où donc était l’équivoque invoquée après coup comme prétexte par M. Leydet et par ceux dont il a été le porte-parole ? L’équivoque, elle n’était, elle n’a pu être que dans l’interpellation même, dans cette discussion nouvelle que les radicaux ont cru devoir engager pour atténuer l’effet des déclarations et de l’ordre du jour de M. Cavaignac, pour faire d’une question d’honnêteté publique une question de parti, pour exciter les défiances du gouvernement en lui montrant ce fantôme d’une alliance des modérés déguisée sous les mots de « changement de système. » Cette interpellation Leydet, elle n’avait aucun sens ou elle était la revanche des radicaux essayant de peser sur le ministère où ils ont des alliés, de faire revivre à leur profit l’éternelle équivoque de la « concentration républicaine. » Ils ont vu depuis quelque temps se multiplier des symptômes plus ou moins menaçans. Ils n’avaient pas vu encore M. Jules Ferry président du sénat, par suite de la démission inattendue de M. Le Royer ; mais ils avaient vu M. Casimir Périer élevé à la présidence du palais Bourbon à la place de M. Floquet. Ils ont cru démêler dans certains votes de la chambre comme dans l’ordre du jour Cavaignac un désir croissant de modération réparatrice, de fermeté dans le gouvernement, — et ils ont tenté le grand coup de l’interpella-lion sur la politique générale. Ils y ont trouvé de plus une occasion de déployer devant la chambre et devant le pays toute sorte de programmes électoraux.

La tactique des radicaux n’avait rien que de simple dans leur intérêt ; elle leur a été inspirée par le sentiment d’une position affaiblie et diminuée depuis quelque temps. Qu’avait donc à gagner de son côté le gouvernement à entrer dans ce jeu ? S’il s’est prêté de bonne volonté à l’interpellation, comme on l’a dit, s’il l’a même provoquée ou