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LA
QUESTION ALGERIENNE
ET LE
RAPPORT DE M. JULES FERRY

Depuis plus de soixante ans déjà, l’Algérie est devenue une possession française, et on discute aussi vivement que jamais la question de savoir comment il faut s’y prendre pour la bien gouverner. C’est une longue et confuse histoire que celle de tous les systèmes divers qui ont été appliqués successivement à l’administration de cette belle colonie, et auxquels on a renoncé après en avoir reconnu l’insuffisance ou les inconvéniens et les dangers. Le premier de ces systèmes, qui fut inauguré au lendemain de la conquête, était fort simple. Il consistait à donner à l’Algérie pour unique institution un gouverneur investi d’une véritable vice-royauté, à la fois civile et militaire, et réunissant dans ses mains tous les pouvoirs, le commandement général et la haute administration.

S’il n’avait tenu qu’au maréchal Bugeaud, cette vice-royauté eût été convertie en une véritable dictature militaire et paternelle. Comme l’a dit M. Thureau-Dangin dans son Histoire de la monarchie de juillet, il avait peu de goût pour la population civile et se souciait peu de la voir grossir. Cependant les immigrans débarquaient plus nombreux de jour en jour ; à quel régime les soumettre ? « L’armée est tout en Afrique, disait le maréchal ; comme elle est tout, il n’y a de possible que le pouvoir militaire. » Il n’y avait, selon lui, aucune tâche à laquelle