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d’histoire » donnait place dans une aristocratie. Castagnary estimait que l’histoire devait désormais céder la place au genre, qu’il définissait « les usages, les costumes, les personnages, les caractères, les mœurs, toutes les réalités visibles du monde présent. » D’après lui, au moment où il écrivait, le genre « se développait, grandissait, sortait de ses anciennes limites, montait à la hauteur de l’histoire, s’attaquait à l’universalité de la nature et de la vie, devenait enfin toute la peinture du présent, comme il sera toute la peinture de l’avenir. » De ce développement, il avait donné la raison théorique, dès son premier Salon, en 1857. C’était, à ses yeux, une victoire du présent sur le passé, du progrès sur la réaction, de l’homme sur ses maîtres. Avec le genre, « le côté humain de l’art se substituait au côté héroïque et divin ; » l’homme triomphait avec lui a parce que la peinture religieuse et la peinture historique ou héroïque se sont graduellement affaiblies, à mesure que s’affaiblissaient, comme organismes sociaux, la théocratie et la monarchie auxquels elles se réfèrent. » Il annonçait donc « un art nouveau, l’art humanitaire, » et il en faisait remonter l’origine à son propre début, l’année 1857. Le Salon de cette année, disait-il, « marque la date glorieuse de l’avènement de l’homme comme objet de l’art ; il inaugure une période définitive et qui doit fournir une carrière sans limite ; le mouvement dont il est le point de départ ne saurait s’arrêter que quand le thème aura été épuisé, c’est-à-dire l’humanité disparue. » Le but de cet art nouveau, c’était « l’apothéose de l’homme. »

Par cette doctrine, Castagnary croyait fermement rattacher l’art à la marche du siècle : « Je trouve, depuis trois siècles, notre peinture égarée et hors de voie ; je m’efforce de la ramener à sa destination véritable, de la jouguer, si je puis dire, au génie particulier de notre époque, et de la faire marcher de front avec tout l’ensemble des forces dont notre société dispose. » Plus tard, précisant cette première idée, il ajoutait : « L’essentiel est de reconnaître le courant d’idées qui entraîne l’art à devenir, comme la littérature, la politique et la science, une des expressions immédiates de la société contemporaine ; c’est de déterminer le chemin précis où la peinture s’engage et de poser sur le sol une lanterne éclairée. » Cette lanterne devenait bien vite le phare prophétique de l’avenir : M C’en est fait, s’écriait-il, la peinture d’imagination et de style cède le pas à la peinture rationnelle, expression directe de la Nature et de la Vie, représentation exacte de la société et des mœurs qui la caractérisent. » Tout l’intérêt de la peinture contemporaine était donc dans la lutte de « l’école naturaliste » contre « les deux écoles réunies, classique et romantique, » mais cette lutte touchait à son terme, la victoire était prochaine, et cette