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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février.

Quelle sera décidément la fin de tout ceci ? Par quelles phases est destinée à passer encore cette misérable affaire de Panama déjà si féconde en surprises et en coups de théâtre, en incidens émouvans et en révélations répugnantes ?

C’est la triste loi de ces crises où tout est confondu d’aller à l’aventure, d’être sans cesse à la merci de l’imprévu. Les péripéties se succèdent sans qu’on puisse les suspendre ni les détourner. Au moment où l’on croit que tout va reprendre un cours à demi régulier, que les esprits vont retrouver un peu de calme et revenir à une vue plus simple, plus mesurée des choses, l’ardeur des contradictions se ravive. Des incidens nouveaux éclatent et viennent encore une fois remuer l’opinion soumise depuis deux mois à cet étrange régime de faux bruits, de polémiques envenimées, de surexcitations maladives. Lorsque la fatigue commence à gagner tout le monde, on est subitement rejeté dans les incertitudes et les émotions qui renaissent à tout propos. On passe d’un arrêt inflexible de justice qui frappe durement un vieillard illustre à des scènes parlementaires inattendues qui déconcertent et ébranlent le gouvernement. On s’épuise à batailler sur la poursuite d’un fugitif insaisissable, sur des listes suspectes d’accusés mystérieux, sur une ordonnance de non-lieu ou un renvoi en cour d’assises. On s’agite pour s’agiter dans toutes les obscurités morales et politiques, à la recherche d’une lumière qui se dérobe à mesure qu’on croit en approcher. Au fond de tout, il y a cette impression que rien n’est fini, qu’on n’est peut-être pas même près d’en finir, — et, un peu