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et les murs qui l’encadrent. Il en serait de même pour ceux des vases de métal et pour celles des intailles où le dessin a le plus de franchise et de vérité. Si l’on ne craignait d’emprunter à Schliemann les formules qui lui Ont valu tant de railleries, on serait presque tenté de dire que Ménélas et Hélène ont peut-être trempé leurs lèvres dans les gobelets d’Amyclées.

Quant aux murs de Tirynthe et à la portion la plus rustique des murs de l’acropole mycénienne, ils doivent être un peu plus anciens, ainsi que les tombes comprises dans le cercle de dalles. Pour rester dans la donnée traditionnelle, on peut considérer ce groupe de monumens comme contemporain de la dynastie des Perséides qui, d’après les mythographes grecs, aurait précédé celle des Pélopides. La fosse, creusée dans le roc et ensuite recouverte de terre, est antérieure à la rotonde munie d’une porte qui se rouvre à volonté, pour l’introduction d’autres corps ou pour la célébration des fêtes commémoratives ; elle a un caractère plus primitif. Il en est de même pour les vases extraits de la nécropole du château ; le style en est de tout point celui que nous avons essayé de définir. Au contraire, chez ceux dont les débris ont été ramassés dans la ville basse, autour des tombes à coupole et à l’intérieur des caveaux taillés dans le tuf, on voit se montrer des motifs qui annoncent l’apparition prochaine d’un nouveau style. Ces changemens du goût n’ont pu se produire que très lentement là où, comme chez les tribus répandues autour de la mer Egée, les influences étrangères ne se sont fait sentir que dans une trop faible mesure pour qu’elles aient pu sensiblement accélérer l’évolution spontanée de la faculté plastique. L’état mycénien a eu certainement plusieurs siècles de vie intense et de prospérité féconde. Des luttes qu’il a subies et des conquêtes qu’il a faites pendant ce laps de temps, nous ne savons rien, sinon par l’épopée, qui exagère l’importance des événemens et des personnages dont elle s’empare et qui voue tous les autres à l’oubli ; mais les édifices qu’il a bâtis nous laissent deviner quelles ressources il possédait, combien il était peuplé, que de bras nombreux et exercés il mettait aux ordres de ses princes pour l’exécution de leurs entreprises. Dès lors, les ouvriers maniaient avec une aisance surprenante des poids considérables. S’il y a, dans le mur de Tirynthe, des pierres dont l’énormité émerveillait Pausanias, ces mêmes ouvriers ont donné, à Mycènes, des marques plus surprenantes encore de leur vigueur et de leur adresse. Certaines pierres taillées, qu’ils ont fait entrer dans leurs constructions les plus soignées, sont plus colossales que les plus gros quartiers de roc de la plus vieille citadelle. Le linteau de la porte aux Lions a 5 mètres de long,