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au bord même de la mer, les yeux fixés sur le déroulement éternel de ses vagues, sur les végétaux et les animaux qui en peuplent les profondeurs. Or, sans être très éloignée de la mer, Mycènes ne saurait passer pour une cité maritime, et il semble peu vraisemblable que les ouvriers qui y résidaient aient été les premiers à employer les motifs en question, ceux de tous par lesquels se singularise le plus l’art mycénien. On serait plutôt tenté de penser qu’ils les auraient trouvés dans une sorte de répertoire qui leur aurait été transmis par les insulaires. Sur plus d’un de ces objets, ces types offrent je ne sais quel aspect conventionnel où l’on devine le travail successif de plusieurs générations d’artisans qui se seraient appliquées l’une après l’autre à développer et à embellir le thème originaire.

Inventeurs et créateurs, les artisans de Mycènes ne le seraient donc pas autant que l’on avait pu le croire tout d’abord ; ils ne le seraient pas de leur système d’ornementation, système qui se serait constitué dans un milieu antérieur, surtout peut-être dans cette Crète à laquelle les plus vieilles traditions assignent le rôle de reine des îles. C’est de là que les élémens ainsi groupés auraient passé dans ces royaumes de la Grèce continentale que gouvernaient les grands chefs achéens et minyens. Ces chefs livraient à l’ouvrier plus de métaux précieux et de belles matières que jamais on n’en avait, jusqu’alors, possédé en Grèce ; ils réclamaient son concours pour l’érection et la décoration d’édifices plus vastes et plus somptueux que tout ce qui les avait précédés en ce genre ; par les relations qu’ils entretenaient avec l’étranger, ils lui permettaient d’exporter ses produits.

Il est vraisemblable que le beau moment de cette industrie correspond au temps où régnaient en Grèce les dynasties des Pélopides, des Æacides et des Néléides. Si l’épopée met hors rang un petit-fils de Pélops, qu’elle appelle Agamemnon, c’est que le souvenir de ce prince et de sa famille était lié à celui des heures les plus brillantes de la vie du royaume mycénien. Pausanias ne se trompait qu’à demi quand il voyait dans les dômes à encorbellement de Mycènes « les constructions souterraines d’Atrée et de ses fils, les trésors où ils gardaient leurs richesses. » S’il avait dit « les tombes où ils ont été ensevelis, » on n’aurait à faire aucune objection. C’est donc à la période représentée par les noms de ces princes qu’il convient d’attribuer ces coupoles funéraires qui sont, de tous les édifices mycéniens, ceux où l’architecte et le maçon se montrent le plus habiles. Les palais, celui de Tirynthe et celui de Mycènes, dateraient de la même époque, ainsi que certaines parties du rempart de cette dernière ville, telle que la porte aux Lions