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proposé d’appeler égéenne l’industrie que nous avons nommée mycénienne ; on se trouverait indiquer ainsi d’un seul mot la situation et les frontières de son domaine. L’avantage est réel ; si pourtant nous nous en sommes tenu au second de ces termes, c’est qu’il était déjà consacré par l’usage, et que, de plus, il a le mérite d’évoquer le souvenir des monumens de cet art qui donnent la plus haute idée de sa puissance.

Que l’on qualifie cette civilisation d’égéenne ou de mycénienne, peu importe ; ce qui demeure établi, c’est qu’elle représente un état général du monde grec, état dont nous ne saurions dire quand il a commencé, mais qui s’est prolongé pendant plusieurs siècles. Le monde grec a eu dès lors, dans une certaine mesure, son unité, le seul genre d’unité qu’il dût jamais réaliser, l’unité de l’esprit et celle, du goût. Bien avant que l’épopée homérique devînt le bien commun de tous les hommes qui en comprenaient la langue, l’industrie appliquait déjà partout, avec plus ou moins d’adresse et de succès, des procédés à peu près les mêmes ; partout elle répétait les mêmes motifs de décoration.

Les gisemens d’antiquités qui correspondent aux principaux théâtres de cette activité créatrice ne fournissent pas uniformément les mêmes objets et les mêmes types. Il est tel champ de fouilles où l’on constate l’emploi d’une technique dont il n’y a pas trace ailleurs, où l’on voit apparaître des ornemens et des figures qui manquent dans d’autres sites. Cependant, s’il y a des différences, les ressemblances sont encore plus sensibles. Dans la série chronologique que l’on est conduit à former, chaque groupe de monumens se rattache à celui qui le précède par des traits qui établissent entre les deux une liaison étroite, et tous ces groupes, ceux mêmes qui semblent les plus éloignés les uns des autres, possèdent en commun certains caractères qui les distinguent à la fois de ceux qui sont marqués au cachet de l’art oriental et de ceux où l’art classique a mis son empreinte.

La première idée des savans qui ont essayé de classer par ordre de date les monumens de cette civilisation a été de mettre en tête de leur liste ces maisons de Théra, aujourd’hui Santorin, qui ont été ensevelies, avec les ustensiles qu’elles renfermaient, sous une couche épaisse de cendres et de pierres ponces, au cours de la catastrophe où, sous l’action des feux souterrains, la plus grande partie de l’île, dès lors très peuplée, s’abîma dans la mer. Les Grecs, faisait-on remarquer, avaient, sur la colonisation laconienne et sur la colonisation phénicienne à Théra, des renseignemens à l’aide desquels, d’après Hérodote, ils remontaient, pour cette île, jusque vers le XVe siècle avant notre ère ; en même temps, ils