Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 115.djvu/892

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

période suivante répandront sur les vases dits du Dipylon ; ce qu’il s’est, en premier lieu, essayé à reproduire, ce sont les formes organiques les plus simples, les feuilles et les fleurs que ses yeux étaient accoutumés à rencontrer dans la campagne, les papillons qu’il voyait voltiger autour des lis et des roses, les algues et les coraux qui tapissaient le fond de sa mer transparente, les mollusques qui vivaient attachés aux roches de la côte, ceux qui flottaient à la surface des eaux et ceux que la vague, en déferlant, jetait sur le sable des grèves, les poissons qui se jouaient dans les golfes dont il habitait les plages, les oiseaux qui se levaient devant lui quand il se promenait au bord des marais. Certaines espèces, telles que l’argonaute, la seiche et le poulpe, l’ont particulièrement intéressé par l’étrangeté des traits qui les distinguent, bras de l’argonaute dressés et tendus comme voiles au vent, bras des poulpes rabattus et plongeant dans la masse liquide comme autant de rames. Tout, dans ces types singuliers, est rendu avec beaucoup de précision, le corps de l’argonaute, en forme de carène, le sac qui enveloppe celui du poulpe, les ventouses grâce auxquelles ces organes de locomotion deviennent des organes puissans de préhension. L’image ne reproduit pas moins exactement le nombre des tentacules, tel que le donne la nature. Il y a là un sens de la réalité qui est vraiment remarquable. Ces motifs d’un caractère si particulier, ce n’est ni l’Egypte ni la Chaldée qui les a mis à la mode ; leur plastique est née dans l’intérieur des terres. Rien de pareil non plus chez les Phéniciens ; leur art n’a guère été qu’un mélange éclectique de formes empruntées à des modèles étrangers ; leur attention ne parait pas avoir été attirée par les êtres qui pullulaient dans cette mer dont le flot venait battre le pied des murs de leurs ateliers. L’ouvrier mycénien n’a pas été aussi indifférent, et ce qui peut-être explique quelques-uns de ses choix, c’est que les bras de l’argonaute et du poulpe dessinent des courbes qui se mariaient heureusement à celles où se complaisait le décor géométrique, tel qu’il était pratiqué à Mycènes.

À prendre ainsi leçon de la nature, l’artiste avait acquis des qualités qui ne l’abandonnèrent pas quand, enhardi par degrés, il osa s’attaquer à des modèles plus compliqués, tels que le lion et le taureau. Il est souvent arrivé à en saisir, avec une rare justesse, les allures et le mouvement. Sur les poignards incrustés d’or, il a très bien marqué l’extension des corps qui s’allongent dans la course éperdue qui emporte, à travers la plaine, les lions et les cerfs. Il y a, sur des intailles, tel lion qui est modelé de main de maître. Il en est de même pour le taureau. La chasse et la capture