Koumanoudis que ces images, cachées, au moment de la fouille, sous une gangue de terre et d’oxyde, ont été rendues au jour ; il a eu la patience de passer des mois à les dégager de cette enveloppe, en la détachant avec assez de précaution pour l’enlever sans endommager le décor. Ce genre de travail, qui suppose chez l’ouvrier une dextérité singulière, relève à la fois de la sculpture et de la peinture ; il tient de celle-là par la solidité des contours comme par la saillie d’un très léger relief, et de celle-ci par la diversité des couleurs ; c’est une sorte de mosaïque. Jusqu’à présent, on avait peine à comprendre ce que veut dire Homère quand il parle, dans sa description du bouclier d’Achille, d’une vigne d’or, avec des raisins noirs, une palissade d’argent, un fossé en kyanos, une haie d’étain. Le procédé qu’il avait en vue, celui que Héphaistos emploie pour embellir les armes destinées au fils de Thétis, nous en connaissons maintenant les applications par ces poignards de Mycènes. L’un d’eux représente une chasse au lion ; sur les autres, on aperçoit des lions en course, des lions qui poursuivent des fauves dans la plaine.
Si l’on essaie de juger et de définir l’art mycénien, tel que nous le montrent, parvenu à son apogée, les découvertes faites en Argolide et sur plusieurs autres points du bassin de la mer Egée, voici les résultats auxquels on arrive. Chez tous les peuples, c’est l’ornement linéaire qui est la première expression du besoin que l’homme éprouve partout et toujours de décorer les ustensiles dont il se sert. Ici cet ornement n’a plus la gauche et sèche simplicité des premiers essais ; il ne s’en tient plus à ces dessins si pauvres que la pointe a tracés sur la poterie monochrome de Troie et des plus anciennes nécropoles cypriotes. À Mycènes, sur les vases comme sur les bijoux, ce n’est que triangles sphériques, cercles concentriques, volutes plus ou moins compliquées, spirales, enroulemens qui évoluent autour d’une espèce d’œil ; à côté de motifs qui passeront de mode ou qui ne reparaîtront que dans un milieu très différent, on en rencontre d’autres, tels que les postes et que la rosace, qui resteront employés par l’art classique. On se trouve donc en présence d’un système d’ornementation déjà très savant, qui se caractérise par le parti que le décorateur tire, avec une ingénieuse et inventive liberté, de la ligne courbe et des combinaisons très variées auxquelles prête cet élément.
Quand l’artiste, sortant du domaine de l’abstraction, s’élevait jusqu’au monde de la vie, l’originalité de son goût se faisait encore mieux sentir, aussi bien dans le choix même que dans l’interprétation des types. Il n’a pas débuté par ces représentations raides et toutes schématiques de la figure humaine que les potiers de la