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Des murs de bronze avaient été menés de l’un et de l’autre côté,
Depuis le seuil jusqu’au fond de l’appartement ; une frise de verre bleu régnait tout autour de la salle.
Des portes d’or fermaient la maison bien close ;
Des jambages d’argent se dressaient sur le seuil de bronze ;
Le linteau était d’argent, et d’or l’anneau qui tirait le battant.


Sans doute, comme l’indiquent certains traits du tableau de la vie des Phéaciens, on est ici en pleine féerie ; mais cependant c’est à la réalité que le poète empruntait les élémens qu’il a réunis dans l’image qu’il présente des splendeurs de ce palais enchanté. Il est encore question, ailleurs, dans les deux poèmes, de « palais de bronze » ou « d’or, » c’est-à-dire de palais dont les murs sont habillés d’une enveloppe faite de l’un ou de l’autre métal, et Télémaque admire chez Ménélas, « dans la maison sonore, les éclairs du bronze, de l’or, de l’électrum, de l’argent et de l’ivoire. » Il n’y a pas une de ces indications que les fouilles ne confirment. Comme la voûte du firmament est constellée d’astres, celle du tombeau que l’on appelle le Trésor d’Atrée était tout entière, jusqu’à son sommet, plaquée de rosaces d’airain, et, à en juger par ce qui reste du prétendu Trésor de Minyas, le métal n’y jouait pas un moindre rôle. Nous ne savons si, dans l’un et l’autre de ces édifices, une partie du revêtement métallique n’était pas en or, en argent ou en électrum, c’est-à-dire en un alliage d’or et d’argent ; ces métaux précieux étaient assez abondans à Mycènes et dans les autres centres principaux du monde mycénien pour que l’on ait pu les y affecter aussi à cet usage. Quant à l’ivoire, les tombes en ont livré nombre de plaques ciselées qui paraissent avoir servi à décorer des cassettes, des armes et des ustensiles divers ; on est fondé à supposer que, comme les pâtes de verre, il a été utilisé pour l’ornementation des lambris, des frises et des plafonds.

La tombe, au moins sous la dernière forme qu’elle a reçue, était digne du palais. Le luxe que l’on y déployait pour les morts ne le cédait en rien à celui dont s’entouraient les vivans. Ce qu’était la sépulture à Troie, on l’ignore jusqu’à présent ; les fouilles d’Hissarlik n’ont pas découvert de tombes. Quant aux tombes de l’acropole mycénienne, ce qui en a fait surtout l’intérêt, c’est ce mobilier funéraire qui a tant étonné les archéologues par sa richesse et son étrangeté ; la tombe même n’est qu’une fosse creusée dans le roc et à parois maçonnées ; mais avec ces tombes de la ville basse qui sont connues sous le nom de trésors, on est en présence d’ouvrages qui font grand honneur à l’architecte et à ses ouvriers. Grâce au choix et à la disposition des matériaux,