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les parties principales, qui sont, d’ailleurs, les mieux conservées ; en raison même de leur importance, elles étaient limitées par des murs plus épais. Ce sont des avenues, des cours et des salles dont les dimensions indiquent que beaucoup de personnes s’y tenaient d’ordinaire réunies ; on y reconnaît la partie ouverte et publique de la maison, ce que l’on appelle aujourd’hui, en Turquie, le sélamlik.

Les abords de cette demeure avaient leur noblesse. On y pénétrait par un de ces propylées que nous avons rencontrés à Troie et qui se composent de deux chambres séparées par un mur percé d’une porte ; mais ici la colonne paraît, la colonne qui manquait là-bas. Elle était de bois ; elle a donc disparu ; mais ce qui en marque la place, c’est la base de pierre, sur laquelle le pied du fût a laissé son empreinte. Dans le propylée, entre chaque paire d’antes, il y a deux colonnes, et des traces de portique se laissent apercevoir sur deux des faces d’une vaste avant-cour. Un second propylée, plus petit, conduisait dans une seconde cour, un rectangle de 15 mètres sur 20, où un portique continu régnait sur trois des côtés. Au milieu du quatrième, c’était entre deux colonnes que l’on pénétrait dans le premier des deux vestibules qui précédaient une grande salle dont la longueur est de 12 mètres et la largeur de 10. Cette salle, c’est le mégaron ou la « grande chambre, » dont il est si souvent question dans l’Odyssée. C’est là que Nestor et Ménélas reçoivent Télémaque et Alcinoos Ulysse ; c’est là que, dans Ithaque, les prétendans passent leurs journées à dévorer l’héritage de l’absent et que se joue la scène de vengeance et de meurtre.

Les aèdes avaient certainement sous les yeux un type d’habitation royale dont les traits originaux concordent avec ceux qui caractérisent les palais mycéniens. On a signalé quelques différences de détail entre le plan de la maison d’Ulysse, tel qu’on a tenté de le restituer d’après l’Odyssée, et celui de l’édifice tirynthien ; mais toutes ces demeures royales ne pouvaient être exactement pareilles ; dans l’ensemble, la ressemblance subsiste. Ces cours entourées d’auvens supportés par des colonnes, ce sont celles qu’Homère appelle « les cours aux beaux portiques ; » Ulysse et Eumée dorment sous ces abris. Homère mentionne un autel de Zeus dans la cour du palais d’Ulysse ; or, à Tirynthe, dans la cour qui précède le mégaron et juste en lace de l’entrée, on a retrouvé une de ces fosses à offrandes qui paraissent avoir été le type le plus ancien de l’autel. Au centre du mégaron, à Troie, à Tirynthe et à Mycènes, on reconnaît le foyer dans un massif d’argile, de forme circulaire, qui s’élevait de 0m, 15 à 0m,20 au-dessus du sol de l’appartement, le loyer dont la flamme chauffait et éclairait la large pièce. À Tirynthe et à Mycènes, il était compris entre quatre colonnes qui