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définir. Ce cornet a un fond étroit et arrondi. On ne saurait le poser plein ni sur la table ni à terre ; mais il circulait aisément de main en main, grâce à ses deux anses ; par l’une d’elles, le convive qui avait bu le tendait à son voisin, qui le prenait par l’autre. On n’a pas cessé de fabriquer les lourdes jarres, à renflement latéral et à trous de suspension ; mais pour d’autres pièces, celles qui servaient au repas, le potier sait façonner les anses et les bien attacher au col et à la panse du vase.

Même progrès pour le métal. Si, dans le village primitif, l’emploi n’en était encore que très exceptionnel, dans la seconde ville, surtout vers la fin, il est devenu bien plus commun. Les petites gens qui vivaient dans des cabanes au pied de la citadelle n’en faisaient peut-être pas encore grand usage ; mais les chefs de la tribu, les habitans du château, le possédaient en quantités déjà considérables. On peut en juger par le trésor, comme on dit, que Schliemann découvrit, en 1873, dans un enfoncement du mur, près de la porte du sud-ouest. C’était tout un groupe d’objets que leur propriétaire avait enfermés dans une caisse de bois dont il ne subsiste plus que la poignée de bronze. Les plus volumineux étaient des vases d’argent dont l’un se trouva contenir ce qu’il y avait de plus précieux dans le trésor, ces bijoux que Schliemann a pris pour ceux d’Andromaque ou d’Hélène. Un souple ruban d’or, fait de plusieurs morceaux soudés ensemble, a pu servir de diadème. Le même métal a fourni la matière de bracelets et de pendans d’oreilles, ainsi que de deux riches parures. Il suffira de décrire la plus riche des deux, l’autre, quoique plus simple, offrant les mêmes élémens. À un bandeau assez long pour faire le tour de la tête sont attachées nombre de chaînettes formées de feuilles ovales reliées par un mince fil d’or ; ces feuilles tiennent ici la place des olives d’ambre ou de pierre dure qui couvrent, en Égypte, le cou et la poitrine des momies. Au bout de chaque chaînette pend une petite plaque où l’on propose de reconnaître une réduction conventionnelle d’un simulacre de la divinité, d’un type d’idole dont les exemplaires se rencontrent par centaines à Hissarlik, exécutés en pierre ou en terre cuite. Quoi qu’il en soit de cette conjecture, je croirais volontiers, avec Schliemann, que c’étaient là des coiffures analogues à ces calottes de sequins que les femmes albanaises et les femmes grecques portent encore dans certains cantons de la Roumélie et de l’Anatolie. Des deux côtés de la partie centrale, qui s’appliquait sur les cheveux et sur le front, il y a un faisceau de chaînes beaucoup plus longues et terminées par le même appendice. Celles-ci encadraient le visage, tombaient à droite et à gauche du cou et descendaient jusque sur