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LA
PHOTOGRAPHIE ET L'ARTISTE

Il existe, à Chalon-sur-Saône, une statue de Niepce, où le célèbre inventeur est représenté debout, montrant du doigt un objectif prêt à fonctionner, avec un faux air de canonnier qui défie qu’on approche. On cherche quel ennemi invisible le photographe menace ainsi dans l’infini. Il semble, à de certains momens, que ce soit l’artiste, c’est-à-dire l’homme de l’interprétation, de la fantaisie et du rêve et, avec lui, le monde indéfinissable, intangible, pressenti, dont il fait son domaine, sa passion et sa joie. En effet, la photographie, fière à bon droit de ses derniers perfectionnemens, justement confiante en des progrès qui, demain peut-être, vont doubler son domaine, ne se borne plus aux besognes utilitaires où elle excellait. Elle ne sert pas seulement à retrouver les coquins et à découvrir les étoiles, à grossir des empreintes de faux poinçons et à relever du haut des ballons de merveilleux plans cadastraux, à compter les vibrations de l’aile des insectes et à contrôler la marche d’une machine, ou à saisir sur une face humaine le rapide retour d’un symptôme morbide, à rendre, en un mot, des services à la police, à l’aviation, à la balistique, à la médecine et à l’astronomie. Elle veut en rendre encore à l’esthétique ! Elle tend non-seulement à devenir un art véritable[1], mais

  1. Aux expositions de photographie de Vienne l’année dernière et de Bruxelles cette année, la section artistique n’a admis que des photographies formant de véritables tableaux d’un caractère très personnel.