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VIII. — COUP D’OEIL HISTORIQUE SUR SAMARKANDE.

Comme toutes les grandes capitales asiatiques, Samarkande a trouvé des historiens et des poètes qui ont vanté la haute antiquité de son origine ; mais on sait ce qu’en pareil cas valent, pour les souverains, les flatteries de ce genre, quand elles viennent des poètes, gens qui, par profession, poursuivent l’illusion et non la vérité. Quant aux certificats des historiographes, ils valent, certes, bien moins encore, leurs auteurs étant, par leurs fonctions mêmes, préposés à la recherche de la Vérité, mais dans l’unique dessein de l’habiller ensuite pour la présenter aux souverains en vêtement de cour. Les historiens ont même sur les poètes, dans de pareilles circonstances, une infériorité, celle d’être gens plus positifs et partant moins désintéressés, ce qui ôte à leurs versions toute chance d’être vraies, lorsqu’elles sont destinées aux rois ou aux reines. Or Samarkande a été trop longtemps la reine de l’Orient, pour que les flatteurs ne se soient pas évertués, pendant des siècles, à lui fabriquer les généalogies les plus apocryphes.

Nous n’attacherons donc que la créance qu’il convient aux documens historiques fondés sur l’étymologie du nom même de la ville. Assurément, le système qui consiste à traduire Samarkande par « ville de Samar » est assez plausible en apparence : kent ou kend est le mot qui, dans la langue actuelle du Turkestan, signifie ville ; c’est ainsi que Tachkent, par exemple, signifie ville de pierre, Tchimkent, ville du défilé, etc. Dès lors, il n’y a pas de raison pour ne point traduire Samarkande par « ville de Samar. » Cependant, l’antiquité même de la cité semble pouvoir être un obstacle à cette traduction si simple, car, si elle est aussi ancienne qu’on le dit, son nom doit être probablement antérieur à l’invasion des langues turques dans le pays. Si toutefois, sans s’arrêter à cette objection accessoire, on admet que Samarkande veuille dire ville de Samar, il ne reste plus qu’à trouver qui peut bien être Samar. Nous ne voyons pas d’inconvénient, du moins au point de vue pittoresque et poétique, à reconnaître sous ce nom la grande Sémiramis dont le règne aurait, si l’on en veut croire cette légende, précédé de quelques milliers d’années, dans la capitale du Turkestan, celui de l’autre illustre souveraine, la reine Biby-Hanoum, dont la grande ombre domine aujourd’hui la ville.

Samar était aussi le nom que l’on donnait autrefois à une