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Le roi Afrasiab aurait accordé asile à ce prince proscrit par son père et lui aurait même donné en mariage sa fille Frankhis. Samarkande, sa capitale, aurait donc, s’il faut en croire les mêmes historiens, déjà existé à l’époque des premiers Achéménides.

C’est dans les flancs de cette colline de lœss que l’on a cherché, mais sans trouver jusqu’à présent de preuves absolues, les restes de l’ancienne Maracanda.

Quoi qu’il en soit, le sol en est rempli de tombeaux de toutes les époques, et l’on y trouve de nombreux débris de verre irisé, de terres cuites et de bronzes.

Les recherches, malheureusement trop superficielles, que j’ai pu y faire pour ma part, m’ont conduit à la découverte d’un certain nombre d’objets antiques, parmi lesquels il faut citer une assez grande quantité de monnaies se rapportant aux rois grecs de la Bactriane, ainsi qu’aux Indo-Scythes qui leur ont succédé du IIIe siècle avant Jésus-Christ au IIe siècle de notre ère. Les plus abondantes que j’aie récoltées en cet endroit sont aux effigies de Diodote ou d’Euthydème Ier, ainsi qu’aux types, plus modernes, d’Azès, d’Azilidès et du monarque auquel, par une singulière ironie du sort, les archéologues anglais qui, jusqu’à présent, se sont le plus occupés de ces questions, M. Percy Gardner entre autres, ont donné la qualification de Nameless King, a le roi sans nom. » Ce souverain bactrien, qui paraît avoir régné entre Kadaphès et Kadphisès II, c’est-à-dire dans le Ier siècle de notre ère, semble avoir été tellement pénétré de l’idée de son importance et de sa grandeur qu’il prodigua sur les monnaies à son effigie, lesquelles paraissent avoir été très nombreuses, les épithètes les plus glorieuses, écrites en langue grecque, et dont les plus fréquentes sont celles de soter (sauveur) et de megas (grand). Malheureusement pour lui et aussi pour les historiens, il n’omit qu’une chose, ce fut, dans ces inscriptions remplies de qualificatifs à sa louange, de faire figurer son nom, qu’il supposait sans doute trop connu pour avoir jamais besoin d’être rappelé. Il en résulte que de tous les souverains de sa dynastie, il est le seul dont le nom soit aujourd’hui absolument ignoré. Les spécialistes en sont réduits à désigner cet orgueilleux, qui a tant fait pour perpétuer son propre éloge, sous la dénomination de Roi sans nom.

La connaissance de l’histoire de ce royaume macédonien de la Bactriane, fondé par des lieutenans d’Alexandre dont les historiens grecs ne font aucune mention, qui dura quatre siècles, et dont l’existence même, il y a peu d’années encore, était inconnue en Europe, a fait de grands progrès depuis que l’occupation du Turkestan par les Russes a permis de mettre an jour