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à ces conventions serait nécessaire pour assurer la complète réalisation de sa pensée ; — du machiniste : il est arrivé qu’une fausse manœuvre a compromis le succès d’une scène et même celui d’une pièce. Dans les conditions ordinaires, la production d’un opéra, — je prends le mot production au double sens de « création » et de « représentation, » — est le résultat d’une coopération d’activités et de volontés ; si une seule de ces activités est inhabile ou une seule de ces volontés rebelle, c’en est fait du succès de l’œuvre d’art.

Wagner, plein d’une confiance absolue dans sa force, s’est affranchi de toutes les servitudes, a supprimé toutes les collaborations et assumé toutes les responsabilités : il est à la fois son musicien, son poète, son architecte, son metteur en scène, son machiniste. Ne pouvant se passer du concours des interprètes musicaux, il a su les « fasciner. » De plus, il a réformé le milieu où la musique dramatique a coutume de se produire, et « imposé » à son public des mœurs spéciales, conformes à sa tendance et à sa volonté.

Wagner est son propre architecte. Dès 1851, il eut la conception du plan de son théâtre : rompant avec les nécessités « pratiques, » il venait de donner un plein essor à son idéal dans ses écrits « théoriques » et portait déjà en lui la tétralogie des Nibelungen, pour la représentation de laquelle il rêvait une salle construite dans des conditions toutes nouvelles. La réalisation de ce plan ne devait se faire que vingt-cinq ans plus tard, quand la fortune, longtemps ennemie, changea ses persécutions en faveurs. En novembre 1871, Wagner choisissait Bayreuth pour la construction de son théâtre modèle, dont la première pierre était posée en 1872, et dont l’inauguration avait lieu en 1876 avec la Tétralogie.

À l’extérieur, le théâtre de Bayreuth n’offre rien de remarquable que son emplacement, très heureusement choisi sur la pente d’une colline boisée. Quand on regarde l’édifice, on comprend que l’architecte n’a pas visé à faire un très beau monument, mais un édifice utile, répondant à sa destination. En pénétrant dans la salle, on éprouve quelque surprise. Pas d’étages, pas de galeries, pas d’orchestre visible, mais de simples rangées de banquettes formant un vaste amphithéâtre qui monte jusqu’à une galerie unique (galerie des princes) placée au fond. Rien sur les côtés que des pilastres fort simples supportant les appareils d’éclairage ; et, entre ces pilastres, des portes dont la disposition rappelle les vomitorium du théâtre antique.

Ceux qui, en venant au théâtre, tiennent avant tout à contempler une « belle » salle, trouveront au public de Bayreuth l’aspect