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choses, généralement sur tous les deux, mais dans une mesure très diverse. Ici les droits seigneuriaux sont de 0 fr. 25 par tête d’habitant a tenant feu, » ce qui est peu, mais ces habitans doivent aussi des blés, des laines et des « poulailles ; » là, au contraire, les redevances dues par les immeubles ne s’élèvent qu’à une somme dérisoire, tandis que les « jurées, » droits sur les personnes, montent à un chiffre assez important : Sommefontaine, en Champagne, doit 8 sous de taxe foncière et 55 livres de taxe personnelle. Le seigneur, en imposant les hommes plus que les terres, profitait des accroissemens de la population ; et les vassaux avaient dû trouver, à l’origine, cet arrangement fort acceptable, puisqu’ils jouissaient immédiatement d’une terre qu’on leur concédait presque pour rien, tandis que la capitation mobilière qu’ils consentaient devait porter sur des générations encore à naître.

Dans les villes, le cens qui frappe le terrain bâti ou à bâtir est insignifiant. Certains de ces loyers baissèrent pourtant depuis le moyen âge : en 1208, le duc de Bourgogne crée une ville forte à Talant et y afferme le terrain à raison de 10 sous (11 francs) par 40 mètres carrés, prix énorme pour l’époque ; mais ce qu’on payait au XIIIe siècle, dans une ville crénelée, c’était la sécurité ; en des temps plus modernes, le même espace de sol valait quatre fois moins cher.

Les redevances en nature étaient assez douces ; c’était une rareté que de voir les colons obligés au partage égal, avec le maître, des produits de la terre. Le « métayage, » que nous trouvons tout naturel, est alors l’indice et l’accompagnement habituel de la servitude. Ces redevances, le tenancier les adoucissait encore en ne livrant autant que possible que des céréales de dernière catégorie. Par ce mot « blé de rendage, » on entend toujours le blé de la plus mauvaise qualité. Le propriétaire était tenu de prendre ces denrées inférieures telles quelles. Le critérium officiel des grains « recevables ou non recevables » était, en Alsace, le suivant : le seigneur, s’il doute de la bonté d’une avoine, doit enfermer une truie dans une étable, la laisser pendant trois jours sans nourriture, puis lui servir cette avoine ; si l’animal en mangeait, elle devait être réputée bonne et acceptée.

D’autres redevances ne se payaient ni en argent, ni en nature, mais en travail : c’étaient les corvées, dont le nombre avait été fixé par la charte qui les rendait exigibles. L’esprit de parti des contemporains s’est donné singulièrement carrière, à propos de ces prestations privées, que les uns ont représentées comme des espèces de supplices et les autres comme des parties de plaisir : la charte qui prescrit aux bateliers d’Huningue, dit M. Hanaüer, de conduire une fois l’an du vin à Bâle, « ordonne aussi au seigneur de leur