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LE

SECRET DU PRÉCEPTEUR

DERNIÈRE PARTIE (1).

XX.

J’aime passionnément Paris, je ne pourrais vivre ailleurs ; mais chaque fois que j’ai quitté quelque temps cette ville délicieuse et terrible, il me faut deux jours au moins pour me raccoutumer à elle. J’étais resté plus d’un mois en Champagne. Là, parmi les vignes et les bois, dans la tranquillité des champs, sous un grand ciel qui répandait son silence sur la terre et sur les hommes, je me persuadais sans peine que les joies, les tristesses et les chimères du cœur sont les seuls intérêts sérieux de la vie. Dès que j’eus revu Paris et son pavé gras, entendu son bruit et respiré son odeur, je fus désabusé. En rentrant dans la rue Médicis, je trouvai arrêtée devant ma porte la voiture à bras d’une poissonnière, qui débitait, en les prônant, ses maquereaux et ses soles. Il me sembla que cette grosse femme au visage éraillé, à la voix rêche et fêlée, me criait du haut de sa tête : « On ne vient pas ici pour rêver ; ton imagination ne doit te servir qu’à avancer tes affaires, et ta grande, ta seule affaire est de te pousser et d’arriver. »

(1) Voyez la Revue du 15 décembre 1892, des 1 er et 15 janvier et du 1 er février ; TOME CXV. — 15 FÉVRIER 1893. 46