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faite en toute honnêteté, et on s’est trouvé brusquement en présence d’un vaste système de fraudes. Presque partout, à la Banque romaine, à la Banque de Naples, à la Banque de Sicile, ce n’était que confusion et désordre, opérations équivoques, abus dans l’émission des billets, prêts sans garantie. Ce n’est pas tout : dans cette administration frauduleuse se sont trouvés compromis, avec les directeurs de ces établissemens financiers, une foule de personnages de la société romaine, d’hommes politiques, de fonctionnaires. Bref, il a fallu trancher dans le vif, mettre sur-le-champ en liquidation la Banque romaine, puis en venir à une suprême extrémité, à l’arrestation du directeur de la Banque, M. Tanlongo, d’un administrateur, du caissier. Et comme pour ajouter au douloureux éclat de cette aventure, le directeur de la Banque romaine, M. Tanlongo, venait d’être nommé sénateur. Les scandales se ressemblent partout. Celui de Rome était complet et est encore loin d’être au bout.

C’est dans ces conditions, au milieu d’une émotion universelle, que le parlement italien vient de se rouvrir. M. Giolitti, en se présentant à Monte-Citorio, avait l’avantage de n’avoir point hésité à remplir tous ses devoirs, et, sans plus de retard, sans essayer de se dérober par des subterfuges de tactique, il a accepté toutes les questions, toutes les interpellations dont il a été aussitôt assailli. Il a intrépidement tenu tête à l’orage, et il aura vraisemblablement plus d’un assaut à soutenir encore. Même avec un nouveau vote favorable, le président du conseil n’est pas à l’abri de tout danger. Ce n’est point sans doute dans son crédit moral, dans son intégrité universellement reconnue que M. Giolitti risque d’être atteint ; mais cette crise nouvelle qui traverse l’Italie se complique de tant d’élémens divers, antagonismes locaux, rivalités de parti, ressentimens personnels, que le ferme et solide Piémontais pourrait bien un jour ou l’autre perdre l’équilibre et tomber comme ceux qui l’ont précédé au pouvoir. Il est d’autant plus exposé, qu’indépendamment des difficultés d’un procès dont il ne peut pas mesurer les conséquences, il a devant lui une foule de questions faites pour diviser la majorité : cette question même d’une banque unique d’Italie qui peut réveiller les passions régionales à Naples, en Sicile, en Toscane ; la question de la réduction du nombre des universités, qui atteint certaines provinces, certaines villes dans leur orgueil, dans leur passé historique, dans leurs intérêts. Voilà bien des affaires sérieuses, délicates, qui peuvent devenir d’ici à peu autant de pièges pour le président du conseil du roi Humbert, — sans compter l’imprévu qui règne en Italie comme dans bien d’autres pays du monde !

Et comme il faut qu’il y ait toujours dans cette mêlée des choses du temps un peu de comédie ou de fantaisie, des diversions piquantes ou de l’imprévu, voici deux princes, deux anciens souverains d’un petit