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fait elle-même la partie toujours la plus vivante et presque la plus considérable de notre temps. Qu’il s’agisse de raconter l’histoire de la ruine du jansénisme et du gallicanisme, et par là du retour du catholicisme français aux idées ultramontaines, ou qu’il s’agisse d’étudier la formation du catholicisme libéral, on le retrouve partout, comme encore aux origines de ce que l’on appelait, il y a seulement quelques années, du nom de socialisme chrétien. C’est quelque chose que cela, sans doute ! À quoi, s’il est permis d’ajouter que ces idées elles-mêmes n’ont pas encore épuisé toutes leurs conséquences, il est permis aussi de croire, comme nous le disions, que l’action de Lamennais n’a donc pas encore fini de s’exercer. Ce grand agitateur a eu quelque chose d’un « voyant ; » et quand son œuvre écrite s’évanouirait tout entière, sa réputation lui survivrait toujours.

C’est ce que j’ai tâché de montrer. J’aurais d’ailleurs voulu pouvoir le mieux montrer encore, avec plus de clarté ; mais la question est de celles qui ne sont pas près de périr ; et nous entrons dans un temps où les occasions ne manqueront pas de la reprendre. En attendant, je me suis attaché surtout, comme l’avait fait M. Spuller, à mettre en lumière la continuité de la pensée de Lamennais. Ne me pardonnera-t-on pas, si j’ai cru que cela valait mieux que de raconter une fois de plus l’histoire de sa vie ou de chercher dans son œuvre la trace, assez difficile à saisir, de son éducation et surtout de sa race ? Il était de Saint-Malo, mais La Mettrie, par exemple, l’auteur de l’Homme machine, n’en était-il pas aussi ? Et il était Breton, mais s’il y a quelque chose au monde qui diffère des Paroles d’un croyant, c’est le Diable boiteux, j’imagine, ou Gil Blas, qui sont pourtant d’un Breton, aussi, et d’un Breton de Sarzeau ! I nunc ; allons maintenant ; et tâchons de définir les caractères du génie celtique !


F. BRUNETIERE.