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Si toutes ces découvertes, dont nous n’avons rappelé ici que les plus imprévues et les plus mémorables, ont modifié profondément les habitudes des sociétés civilisées et ouvert à la science des espoirs illimités, ceux de nos contemporains qui se sont voués à l’étude de l’histoire et surtout de l’histoire des temps très reculés n’ont pas eu de moindres étonnemens. La conception du passé n’a pas été moins renouvelée que n’a été transformé le présent et préparé l’avenir. Les vieilles écritures de l’Égypte, de la Chaldée et de la Perse, qui n’étaient pour les plus savans de nos pères qu’un grimoire illisible, ont livré leur secret, et des bouches ont parlé que l’on croyait fermées à tout jamais. Ce que ne disaient pas les textes gravés sur la pierre, le bronze et l’argile ou tracés par le calame sur le papyrus et sur le bois, on l’a demandé à des documens d’un autre genre, aux armes et aux outils des peuples disparus, aux bijoux dont ils se paraient, aux ruines et aux plus faibles vestiges de leurs constructions, aux images qu’ils ont façonnées avec plus ou moins d’adresse, quand ils ont voulu prêter un corps aux dieux qu’ils adoraient ou se représenter eux-mêmes, dans la variété des scènes de leur vie publique et privée. Partout les fouilles se sont succédé, conduites avec une méthode et un soin jusqu’alors inconnus ; notre curiosité leur a dû de véritables révélations.

Concertant ses recherches avec celles de la géologie, l’archéologie dite préhistorique a singulièrement reculé les bornes de notre horizon. Elle a mis hors de doute l’antiquité prodigieuse de l’espèce humaine. Sans nous permettre d’atteindre des origines qui se déroberont toujours à nos prises ni de dresser le compte de ces siècles oubliés, elle nous a permis de nous faire une idée de la longue série des pensées et des efforts par lesquels l’homme s’est dégagé lentement de la barbarie primitive pour s’élever par degrés à la civilisation. C’est en Égypte et en Chaldée que celle-ci, celle dont nous avons recueilli l’héritage, singulièrement accru par la Grèce et par Rome, paraît avoir allumé ses premiers foyers. L’archéologie classique a démontré, bien plus clairement que ne l’avaient donné à entendre les récits des auteurs grecs et latins, combien furent serrés les liens qui rattachèrent entre elles les différentes nations fixées dans le bassin du Nil, dans celui de l’Euphrate et autour des rivages orientaux de la Méditerranée ; elle a fait saisir le sens et le mécanisme des transmissions de procédés industriels et de motifs plastiques qui se sont opérées d’un peuple à l’autre, en telle sorte qu’à partir du moment où ces relations se nouèrent par la guerre et par la conquête ou par le commerce aucune