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Pour tout résumer, de 1881 à 1884, le mouvement commercial de l’Italie a augmenté de 19 pour 100 avec la Suisse, de 63 pour 100 avec l’Allemagne, de 18 pour 100 avec la Belgique, avec la France il a fléchi de 22 pour 100.

M. Théry complète ce tableau, déjà fort démonstratif, par un examen détaillé du trafic du Saint-Gothard. Il montre que, d’après le tonnage kilométrique, ce trafic consiste principalement en marchandises de transit et, loin de partager l’opinion de M. Marteau, il considère l’existence d’importantes relations par chemins de fer entre le nord de l’Europe et la Méditerranée comme prouvée surabondamment par l’origine des convois qui traversent le tunnel, par la concordance de l’accroissement de la circulation sur cette voie avec l’essor du port de Gênes, par le développement des rapports de l’Italie avec l’Europe septentrionale et la diminution des transactions franco-italiennes. Il établit aussi qu’en 1885 le Saint-Gothard a réellement enlevé au réseau français 150,000 tonnes environ, c’est-à-dire le chargement de 15,000 wagons de 10 tonnes et de 300 trains de 50 wagons. Ce qui, au tarif moyen de 0 fr. 056 la tonne kilométrique, se traduit pour les compagnies françaises par la perte d’un chiffre d’affaires de 6,750,000 francs, chiffre d’affaires dont les chemins de fer suisses et italiens ont profité. Ces 150,000 tonnes représentent, en outre, le fret, aller et retour, de 75 navires de 1,000 tonnes, qui se détourne de Marseille pour se porter sur Gênes.

La solution, suivant lui, et son opinion diffère encore sur ce point de celle de M. Marteau, ce n’est pas au percement du Grand Saint-Bernard ou du Simplon qu’il faut la demander. Il convient plutôt d’abréger la route française de la Mer du Nord à la Méditerranée, soit en rectifiant les voies ferrées dans la direction Anvers-Marseille, soit en construisant une ligne spéciale entre Dijon et Bruxelles. L’un ou l’autre de ces moyens, combiné avec des tarifs à très bas prix, aurait certainement pour effet de battre en brèche le Simplon, peut-être même de remettre les choses en l’état.

À la vérité, ce que conseillait là M. Théry ne pouvait être qu’un expédient d’une durée et d’une efficacité très douteuses. Il semble qu’il l’ait reconnu lui-même, car dans le nouvel et important rapport qu’il rédigea en 1888, à la demande du ministre du commerce et de l’industrie, sur la question du Simplon, il ne fait déjà plus mention des idées émises et soutenues par lui deux ans auparavant. Après s’être attaché à mettre en lumière le surcroît de dommages que l’ouverture d’un quatrième tunnel à travers les Alpes causerait à la France et à son influence dans la Méditerranée, il indique dans les termes suivans le parti qui lui paraît devoir