blancs, des génies ailés présentent des palmes au pontife victorieux. Le plus grand humaniste du siècle, qui voyageait alors en Italie, est témoin de ces scènes : malgré son ardent amour pour l’antiquité, Érasme de Rotterdam ne peut cacher son profond étonnement (non sine tacite gemitu spectabam) de voir le successeur des apôtres entouré d’une pompe tellement païenne.
Pendant que Jules II donnait ainsi au monde le spectacle extraordinaire d’un pape, conquérant comme César, triomphant comme Domitien, Michel-Ange, évadé de Rome et réfugié en Toscane, ne pensait à rien moins qu’à quitter l’Italie et aller prendre du service chez le Grand Turc ! ..
« Giuliano, — écrivait Buonarroti le 2 mai 1506, quinze jours après sa fuite étrange de Rome, à l’architecte Giuliano da San-Gallo, en le chargeant de faire lire ces lignes au pontife lui-même, — j’apprends par votre lettre que le pape a pris très mal mon départ, et que Sa Sainteté est disposée à payer et agir selon la convention, et que je puis revenir sans aucune crainte. Il n’est que trop vrai que le samedi saint j’ai entendu dire au pape, — il était à table et causait avec son joaillier et le maître des cérémonies, — qu’il ne dépenserait plus un baioco pour des pierres, petites ou grandes. Cela ne m’a pas peu surpris ; néanmoins, avant de me retirer, j’ai demandé l’argent nécessaire pour la continuation de l’ouvrage, et Sa Sainteté m’a répondu de repasser lundi. Je suis retourné le lundi, le mardi, puis le mercredi aussi et le jeudi, comme il l’a bien su ; enfin, vendredi matin je fus renvoyé, c’est-à-dire chassé, et celui qui l’a fait m’a dit qu’il méconnaissait bien, mais qu’il avait des ordres. C’est ainsi qu’il est arrivé qu’ayant entendu les paroles prononcées le samedi, et que voyant maintenant leur effet, je fus pris de désespoir… » L’artiste a-t-il eu raison de prendre pour son compte le mot sur les pierres petites ou grandes ; a-t-il eu raison aussi de revenir tous les jours d’une semaine des Pâques pour réclamer de l’argent ? Je n’oserais l’affirmer ; et la suite de la lettre me semble ne laisser aucun doute sur l’excitation morbide de Michel-Ange à cette époque, sur un état d’esprit vraiment halluciné. « Ce n’est pas cependant, continue Buonarroti, la seule cause de mon départ ; il y avait autre chose encore que je ne veux pas écrire. Il suffit de dire que je fus amené à croire que, si je restais à Rome, ma tombe serait prête bien avant celle du pape, et c’est cela qui a été la cause de mon subit départ… » Qu’est-ce à dire ? Redoutait-il le poignard de Bramante ou bien je ne sais quelle trame ténébreuse des familiers du Vatican ? Quelque temps après pourtant, celui qui a écrit cette lettre pleine de craintes folles devait retourner à Rome et y passer plus