Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 115.djvu/542

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cessé de l’orner de mosaïques et peintures nouvelles : il ne voulait qu’en agrandir l’abside[1] ; et tout ce qu’il est permis de conclure des affirmations d’un Alberti ou d’un Conti, c’est que l’église vaticane, dans les derniers temps, avait besoin de quelques fortes réparations : aucune construction chrétienne, celle de Bramante moins que toute autre, n’a jamais été à l’abri de pareils correctifs. Enfin, l’état ruineux irrémédiable de Saint-Pierre, en 1505, même complètement admis, est-ce que la piété envers des souvenirs si grands, si augustes, ne commandait pas, du moins de rebâtir le sanctuaire dans sa forme ancienne et consacrée, d’en préserver surtout et rétablir les mosaïques, les autels et les tombes ; et n’est-ce pas ainsi qu’il a toujours été procédé au moyen âge et à Rome dans la réfection des monumens religieux célèbres ?

J’oserai encore présenter une dernière considération, qui peut-être n’est point sans importance. L’arrêt de Jules II une fois prononcé, la vieille basilique n’a pas été pour cela rasée en un seul jour et d’un seul coup : elle fut démolie par pièces et par parties tout un siècle durant, et à mesure qu’avançait la nouvelle construction. Pendant tout ce siècle aussi, et malgré les ruines accumulées à l’entour, elle n’a cessé d’être le théâtre des grandes pompes pontificales, au déplaisir extrême des ambassadeurs et des illustrissimi, très incommodés par les courans d’air, la poussière et les ardeurs du soleil ; au désespoir surtout des maîtres de cérémonies qui, à ces occasions solennelles, ne savaient où donner de la tête. Paris de Grassis, le maître des cérémonies de Jules II et de Léon X, et le Dangeau de ces deux pontificats, ne tarit pas dans son Journal sur les embarras que lui causait, à chaque funzione, l’installation des échafaudages, planches et tapisseries au milieu de la maladetta fabbrica. Le couronnement de Sixte V, en 1585, a encore lieu sur la grande terrasse de la basilique : l’atrium, la façade de l’église et la longue nef sont toujours debout ; la dernière partie n’est abattue qu’en 1609, sous Paul V, Borghèse. Or pendant tout le cours de cette longue et lente destruction, nous n’entendons jamais parler d’un effondrement quelconque, d’un pan de mur s’écroulant de lui-même ; jusqu’au bout, le noble édifice ne cède qu’aux coups de la pioche et de la houe : frangitur, non flectitur. Je lis dans Bunsen que les poutres de son toit ont été jugées assez bonnes pour servir encore dans la charpente d’un édifice tout nouveau, la charpente du palais Farnèse !

  1. Bunsen, Beschreibung der Stadt Rom., i,2, remarque avec raison que Manetti, le biographe trop souvent glorieux qui prête à Nicolas V les projets les plus fantastiques au sujet de la cité Léonine, ne dit cependant nulle part que Saint-Pierre eût menacé ruine.