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ministère, qui avait pour chef le comte Szapary, a dû se retirer il y a quelque temps, désespérant d’avoir une majorité, de concilier les traditions de la politique impériale et les revendications incessantes du parlement hongrois ; il a été remplacé par un ministère qui a pour chef M. Wekerlé et qui reste aujourd’hui chargé des affaires, qui représente le parti libéral ; mais ici s’élèvent de bien autres difficultés, qui peuvent avoir les suites les plus graves. D’un côté, il y a une question délicate, peut-être redoutable, celle de l’autonomie de l’armée hongroise, qui doit rencontrer à Vienne, chez l’empereur lui-même, sans doute, l’opposition la plus vive. D’un autre côté, voici une question plus épineuse encore, s’il se peut, celle de l’établissement du mariage civil en Hongrie. Au premier abord, cette institution du mariage civil, depuis longtemps adoptée dans bien d’autres pays, n’aurait rien que de simple, de conforme à un régime moderne ; malheureusement, la question se complique ici de vieilles dissidences entre les cultes. Bref, les catholiques hongrois sont les adversaires déclarés de la réforme nouvelle. Les chefs de l’épiscopat, le primat de Hongrie, Mgr Vaszary, se sont prononcés très vivement ; le bas clergé est plus ardent encore. Ils sont tous encouragés par les instructions du Vatican, et ils comptent sur la chambre des magnats pour arrêter au passage le mariage civil. Le chef du ministère, M. Wekerlé, cependant, a inscrit cette réforme libérale dans son programme ; il s’est engagé ! S’il recule aujourd’hui, il sera abandonné par les libéraux hongrois ; s’il persiste, s’il va jusqu’au bout, il risque de déchaîner une guerre religieuse, d’inaugurer un Kulturkampf, avec la chance de rencontrer la résistance passionnée de l’Église et peut-être peu d’appui à la cour. Ainsi une menace de conflits nationaux, religieux ou parlementaires en Hongrie, une crise chronique à Vienne, c’est le bilan d’une situation qui pourrait n’être pas sans péril pour la monarchie austro-hongroise.

Aussi bien, où n’y a-t-il pas aujourd’hui des crises, des grèves, des mouvemens anarchistes ou socialistes ? Il y en a un peu partout, à Berlin comme à Paris, dans la vallée de la Sarre comme à Carmaux, Les plus petits pays, même les peuples les plus calmes d’habitude, les plus sages n’en sont pas préservés, et la Hollande, qui ne passe pas pour une nation révolutionnaire, semble pour le moment être le théâtre de singuliers troubles populaires, de scènes d’anarchie violente. Tandis que, dans les états-généraux de La Haye, le ministère et les partis s’occupent d’une réforme électorale qui paraît devoir être aussi étendue que possible, qui ne sera sûrement pas le remède à tous les maux, une agitation difficile à définir jusqu’ici, mais singulièrement dangereuse, envahit une partie du pays. Les provinces de Groningue, de la Frise, ont vu éclater les plus graves désordres et semblent en proie à une effervescence passablement inquiétante. Dans