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apparence de halte, un semblant de trêve de quelques jours, pour les fêtes de la nouvelle année, la trêve n’a pas duré longtemps. Elle a fini avec l’ouverture de ce procès où se déroule l’étrange drame des destinées, des manœuvres secrètes de Panama, — avec l’ouverture d’une session nouvelle rappelant au Palais-Bourbon une chambre dont, la veille encore, un des membres, ancien ministre, venait d’être arrêté !

À peine a-t-elle été ouverte, cette session qui ne semble pas promise à des travaux bien fructueux, le contre-coup de tous les incidens du moment n’a pas tardé à se faire sentir. Tout a recommencé dans la chambre et hors de la chambre. Du coup, M. Charles Floquet a disparu dans la première bagarre, dans le premier scrutin. M. Floquet, après l’aveu qu’il avait fait des procédés plus qu’équivoques par lesquels il s’était signalé au ministère de l’intérieur, a eu l’idée singulière, assez hardie, de se présenter de nouveau pour la présidence de la chambre. Il a essuyé un échec prévu et bien mérité ; il a été laissé seul avec sa candidature, et il n’y a pas eu même au scrutin le nombre de voix nécessaire pour la validité du vote ; il a été écarté sans phrases et sans concurrent. D’un autre côté, au moment où la chambre se réunissait et évinçait M. Floquet, le ministère, qui s’était déjà renouvelé il y a un mois, a senti le besoin de se reconstituer encore une fois, de s’alléger, si l’on veut, pour une étape nouvelle. Le secret de la crise est tout simplement sans doute qu’avant de reparaître devant le parlement, M. le président du conseil, qui reste président du conseil, a voulu avoir une occasion de prendre lui-même la direction des affaires intérieures et de se séparer de quelques-uns de ses collègues, — M. Loubet, M. de Freycinet, M. Burdeau. La démission collective remise à M. le président de la république a été, on le sent, la forme discrète jet polie d’une séparation que les circonstances ont fait juger inévitable. Tout était probablement combiné d’avance. Ainsi, au même instant, le même jour, M. Floquet est sommairement éliminé par une chambre qu’il a longtemps présidée, qu’il se flattait de présider jusqu’au bout, et le ministère pratique sur lui-même une élimination nécessaire. Évidemment, ces deux faits ont leur sens, leur moralité : ils se lient à cette phase nouvelle de notre vie française qu’on peut appeler une phase de liquidation ; mais, qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas seulement de la liquidation de Panama, qui, réduite à elle-même, ne serait qu’une affaire d’experts. Il s’agit de la liquidation d’une politique, d’une situation dont Panama n’est qu’un des incidens et comme le dernier mot.

La vérité est que, si tout ce qui se passe aujourd’hui ne peut ternir la probité et l’honneur de la France, comme l’a dit M. le président de la république à ses réceptions du jour de l’an, le moment est venu de se dégager de tout un passé suspect, d’aller à la source du mal. Eh bien, oui ! on se débattra tant qu’on voudra, on s’étudiera à