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pour plus impartiales, et confirmées aussi par les observations par nous faites pendant de longues années de séjour dans des milieux américains. Mais des critiques de détail, si sérieuses et sévères soient-elles, n’affectent que faiblement des conclusions qui s’imposent.

Si l’Union américaine est aujourd’hui l’un des premiers pays du monde, elle le doit, en grande partie, à la femme américaine qui fut et qui est encore un important facteur de son étonnante prospérité. Les États-Unis lui doivent d’avoir conservé la foi religieuse, ce principe de vitalité, importé par les Pilgrim Fathers sur les côtes de l’Amérique. Elle a été l’efficace artisan de l’œuvre première ; elle l’a maintenue, étendue, élargie par le temple et l’école. Aux heures difficiles, lors de la guerre de l’indépendance et, plus tard, lors de la guerre de sécession, le patriotisme de la femme a soutenu le courage de l’homme. En toutes circonstances, elle fut sa compagne et son égale. Comme telle, il l’a respectée, et ce respect qu’elle lui a inspiré, par son abnégation et sa vaillance au début, par son intelligence et sa culture ensuite, par ses charmes et sa confiance en sa protection, ont façonné les mœurs américaines, les ont fortement imprégnées de l’idée que le respect de sa compagne était pour l’homme l’une des premières conditions de la vie morale. Cette vie morale est son œuvre à elle ; elle l’a créée et elle l’entretient. Dans le culte dont elle-même est l’objet, dans l’hommage que l’homme lui rend, il y a plus que le mystérieux attrait que son sexe inspire, il y a l’instinctive reconnaissance d’une grande et salutaire influence noblement exercée.


C. DE VARIGNY.