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Ainsi fit miss Catherine Lorillard Wolfe, morte récemment à l’âge de soixante-deux ans et, de son vivant, la femme la plus riche des États-Unis. Nonobstant ses grandes libéralités, elle laissa une fortune amoindrie, il est vrai, mais dépassant encore 25 millions de francs. On estime à une somme au moins égale ses donations multiples, ses charités aux pauvres, ses subventions aux institutions de bienfaisance, aux asiles et aux écoles, et à plus de 10 millions la valeur des œuvres d’art accumulées par elle dans sa résidence de New-York et dans sa villa de Newport, Vineland, voisine de celle de Cornélius Vanderbilt et dont la construction coûta plus de 1,500,000 francs.

Elle tenait une grande place dans le monde de New-York, une plus grande encore dans le cœur des pauvres, qui l’ont pleurée. Certes la charité, l’instinct de la solidarité humaine, ne sont pas des vertus spéciales à l’Amérique. On les retrouve dans tous les pays du monde, à tous les degrés de l’échelle sociale ; ces vertus sont, plus souvent qu’on ne le croit, associées à la possession de grandes fortunes : elles en sont l’excuse et la raison d’être ; ici ces vertus s’incarnent dans une femme que son âge, sa beauté, son opulence et ses goûts semblaient devoir incliner vers un brillant mariage, vers une vie de succès mondains, et qui, sans répudier le rang que sa position et ses richesses lui assignaient, a fait de ses richesses le plus noble et le plus généreux emploi.

Si, du monde restreint de ceux qu’on appelle, souvent à tort, les heureux de cette terre, nous passons à celui bien autrement nombreux des êtres pour lesquels le travail est une nécessité et la lutte une tâche quotidienne, là encore et là surtout se révèle l’influence de la femme, pénétrée, comme celle dont nous allons retracer brièvement la vie, du sentiment de sa mission, s’en acquittant sans défaillance et, de ses mains industrieuses, relevant et façonnant les âmes autour d’elle. Son humble histoire est aussi celle d’autres femmes dans bon nombre de ces villages du far-west, en voie de devenir de populeuses cités, dans bon nombre de ces seltlements où s’élève une génération vigoureuse et saine, réserve de l’avenir et qui, ainsi qu’une marée montante, envahit les nouveaux États du nord-ouest. Il nous a été donné de voir à l’œuvre quelques-unes de ces representative women, de mesurer l’étendue et l’importance de leur œuvre et si, parmi les exemples dont le souvenir nous est resté et ceux, bien plus nombreux, que nous fournit l’histoire de la colonisation de l’ouest pendant les trente dernières années, nous nous arrêtons de préférence à celui que relate l’auteur d’un livre intitulé : Tendencies of American life, c’est que, par la simplicité du cadre et l’exactitude