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le possèdent. Remercions Dieu, mes frères, qu’il en soit ainsi. » L’auteur affirme, et nous lui laissons la responsabilité de ses assertions, que si, dans ses rapports avec ses semblables, l’homme se montrait aussi impertinent que nombre de femmes, sa journée ne se terminerait pas sans quelques leçons bien méritées. »

Si virulente diatribe ne pouvait passer sans réplique. M. A. Croffut a répondu à M. Adams ; mais est-ce bien une réplique ? — « Nous admettons, dit-il, l’exactitude des faits et nous reconnaissons combien laissent à désirer les manières de bon nombre de femmes américaines dans les endroits publics. Mais la faute en est moins à elles qu’aux hommes dont l’absurde galanterie et la ridicule tolérance ont encouragé ces travers. Nous n’en voulons pour preuve que le fait que la femme américaine seule est mise en cause et que l’on ne saurait reprocher aux femmes européennes de la même classe de semblables manières. » — Il ajoute qu’il est fort rare, en Europe, de voir une femme accepter, sans un mot de remercîment, l’offre qu’un homme lui fera de son siège, présumer de son sexe pour se soustraire à l’obligation de prendre son rang dans une foule, au théâtre, dans une gare, dans un bureau de poste ou de banque. Rien de plus simple, à l’entendre, que de remettre les femmes américaines à leur place et de les convertir, comme leurs sœurs d’Europe, en personnes discrètes et polies.

C’est affaire à eux et à elles. En notant ces travers, que la plupart des voyageurs aux États-Unis ont signalés avec plus ou moins d’insistance, nous avons puisé de préférence aux sources américaines, à coup sûr moins suspectes de préventions. Ce qu’avance M. Adams est exact et ce qu’affirme M. Groffut ne l’est pas moins. Ce qu’ils disent confirme nos assertions antérieures sur la liberté excessive dont jouissent les jeunes filles et les femmes aux États-Unis, sur l’idée exagérée qu’elles se font de leurs droits et de leurs privilèges, sur l’extrême courtoisie des hommes à leur égard. Mais ce serait commettre une grave erreur que de voir, dans la critique de M. Adams, un portrait ressemblant et fidèle de la femme américaine, d’en universaliser les traits et d’attribuer à toutes des travers qui choquent d’autant plus les Américains eux-mêmes qu’ils contrastent avec les manières d’être de la plupart de leurs compatriotes.

Ceux qui trouvent plus à blâmer qu’à approuver chez la femme et surtout chez la jeune fille américaine, ceux que choquent sa liberté d’allures, son indépendance, son dédain des conventions sociales, ses goûts de luxe et ses besoins d’admiration, en ont souvent pris texte pour faire leur procès aux institutions