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disette russe, l’épidémie cholérique dans quelques-uns des principaux ports du continent, l’augmentation constante des dépenses militaires, la hausse du change en Grèce, en Italie et dans la péninsule ibérique.

En dépit de tant d’influences défavorables, 1892 a été pour tous les marchés financiers une période de grande hausse ; les plus-values acquises n’ont été que partiellement atteintes par la crise qui sévit depuis un mois. La rente française, partie de 95 francs dans les premiers jours de 1892, a été portée en quelques mois au-dessus du pair. Ce phénomène produisit en son temps une grande impression. On y vit, non sans raison, une manifestation éclatante de la force du crédit de notre pays, une preuve indéniable de l’accroissement énorme de la richesse nationale et de la rapidité de formation de l’épargne populaire. Un emprunt de près d’un milliard venait d’être absorbé, et la rente, depuis que cet emprunt avait été émis, avait monté de neuf points (91 à 100). Il est vrai que la Caisse des dépôts et consignations avait dans l’intervalle, et par des achats quotidiens qui n’avaient jamais subi, depuis la loi de 1886, aucune interruption sérieuse, absorbé pour le compte des caisses d’épargne, en rentes 3 pour 100 perpétuelle ou amortissable, et en 4 1/2, un capital d’environ un demi-milliard. Cette absorption a joué, sans aucun doute, un rôle prépondérant dans l’élévation des cours de nos fonds publics.

Cette plus-value de la rente française a entraîné un mouvement analogue sur la plupart des fonds étrangers, Russes, Hongrois, Italiens, Autrichiens, Égyptiens et Turcs. Le 4 pour 100 russe s’est rapproché du pair. L’Unifiée d’Egypte l’a atteint et le dépassera bientôt. Le rendement de la rente turque n’est déjà même plus de 5 pour 100, les fonds hongrois se sont élevés au niveau des fonds autrichiens ; les fonds argentins et brésiliens ont commencé un mouvement de reprise. Les titres des dettes de l’Allemagne et de la Prusse sont restés presque immobiles. Il n’y a eu de réaction que sur la rente Extérieure et sur le Portugais. Ce dernier fonds a encore subi en 1891 une dépréciation de près de 30 pour 100 (de 33 à 22 1/2).

Si les deux rentes françaises 3 pour 100 ont monté de 5 unités dans le premier semestre de 1892, pour en reperdre, il est vrai, la plus grande partie dans le seul mois de décembre sur les incidens de l’affaire de Panama, le 4 1/2 est resté immobile à 105 francs dans l’attente de la conversion prochaine. Les autres valeurs qui, avec les rentes, constituent le fonds le plus solide et le plus étendu des placemens de l’épargne, actions et obligations de chemins de fer, obligations des départemens et des villes et du Crédit foncier, ont été soutenues et poussées par la hausse des fonds publics. En dépit des attaques dont il a été fait mention ci-dessus, les obligations foncières et communales apparaissent, d’une année à l’autre, tenues à peu près aux mêmes cours. Les obligations de chemins de fer (grandes compagnies) ont