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utopistes croient être le but final des sociétés policées, — la terre au travailleur, — tandis qu’au contraire il accompagne seulement l’aurore des sociétés en formation.


VI

Le « bail à cens, » « l’accensement, » n’est pas, comme le nom semble l’indiquer, une location ni un fermage ; c’est une vente positive, effectuée pour un revenu invariable, au lieu de l’être pour un prix principal une fois payé. Je parle ici de l’accensement postérieur à l’affranchissement, de l’accensement fait en faveur d’un colon libre. Sous le régime du servage, le mot de « cens » était déjà employé, mais dans une acception tout autre. Le serf censitaire, qui ne possède pas son propre corps, ne peut par là même posséder le sol qu’il cultive. Le cens était alors une redevance variable, susceptible d’augmentation, suivant le bon plaisir du seigneur, tandis que le bail à cens du paysan affranchi est une aliénation formelle.

Le bailleur, c’est-à-dire l’ancien propriétaire, a, selon la formule du temps, « livré, cessé, quitté, transporté et octroyé, à toujours et à perpétuité, au preneur et à ses successeurs, » la terre qui fait l’objet du contrat. Il « s’en est démis, dévêtu et dessaisi, et a vêtu et saisi le preneur ; » il l’a « mis en bonne possession, et fait vrai seigneur, comme en sa propre chose et domaine. » Tels sont les termes solennels que l’on emploie, et il semble que l’on ait recherché les expressions les plus fortes que la langue juridique ait pu fournir, pour marquer la transmission expresse du fonds, du bailleur qui vend au preneur qui acquiert. En outre, le seigneur se rend légalement responsable de tout obstacle qui serait apporté à la jouissance de son cessionnaire : « il est et sera tenu de le garantir et défendre perpétuellement envers tous et contre tous, de tous empêchemens et perturbations ; .. » il promet « rendre, payer, restituer et amender tous les coûts, mises, dépens et dommages,.. » qui pourront incomber au preneur, par défaut de ladite garantie. Les pléonasmes de ce jargon nous révèlent la cauteleuse défiance du rustre, qui multiplie ses sûretés. Cette clause avait son prix ; le vilain, en devenant son maître, se gardait un gendarme gratuit et une caution vis-à-vis des tiers.

Peu à peu, par le développement que prirent les baux, ou mieux les ventes à cens, presque toute la terre noble et une partie de la terre ecclésiastique glissa en roture, et elle y resta. Une seule restriction avait été apportée à l’indépendance du nouveau possesseur ; il ne pouvait céder son domaine à des gentilshommes ou à des clercs : « Ne pourra le preneur mettre les fonds en