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révérend E. Button crut voir un de ses amis qu’il avait lieu de croire malade dans sa demeure : — « Je n’ai jamais, dit-il, été tout à fait certain qu’il ait parlé, mais cependant cette impression très nette m’est restée dans l’esprit : — J’avais tant besoin de vous voir et vous ne seriez pas venu[1]. » — Les exemples abondent de cette activité de l’imagination. Bien souvent, les détails de l’hallucination ne sont pas exacts, ils sont simplement le résultat de l’activité de l’esprit du sujet s’exerçant sur une impression obscure produite par un fait réel. M. Williams est un jour « soudainement réveillé par le sentiment que chacune de ses mains était fortement saisie et pressée. Il se redressa immédiatement et vit, debout près de son lit, George (son beau-frère) qui lui tenait les mains, la figure souriante et avec une expression particulièrement douce et bonne. George était, à ce qu’il paraissait, dans son costume de nuit. Ils se tinrent ainsi les mains et se regardèrent pendant une minute ou davantage, l’étreinte de la main se relâcha alors, et l’esprit de George s’évanouit[2]. » — De même une jeune fille à qui son frère apparaît dit : « Je me rappelle avoir vu mon frère habillé comme il l’était d’habitude quand il rentrait de Londres, mais non comme il l’était en nous quittant, ni comme il pouvait l’être en Australie. »

L’activité de l’imagination est bien visible dans ces cas, où les détails sont inexacts et n’ont aucun rapport bien défini avec le fait réel, la mort de la personne qui apparaît. Cette activité se manifeste souvent par de telles apparitions. Il paraît assez naturel que l’impression inconsciente se traduise ainsi, il y a là une association d’idées tout à fait probable. Cependant il arrive que les narrateurs croient à la réalité objective de l’apparition, quelques savans admettent volontiers l’existence des fantômes. Cette hypothèse paraît, jusqu’à présent, tout à fait invraisemblable. Les faits qui sembleraient l’appuyer sont rares et susceptibles de plusieurs interprétations ; l’hypothèse qui ferait de ces fantômes les esprits des morts est plus aventureuse encore et moins croyable. Si l’on veut faire accepter les faits extraordinaires que nous étudions ici, il faut les débarrasser des interprétations injustifiées dont on a trop abusé, et si quelques particularités nous paraissent inexplicables, réservons notre opinion jusqu’à ce que nous puissions la former avec quelque chance de succès.

Tous les esprits n’ont pas la même vivacité d’imagination, ni toutes les impressions inconscientes la même force de suggestion. Quelquefois les hallucinations télépathiques restent faibles, vagues, douteuses. Le roman est à peine ébauché. Parfois le sujet

  1. Les Hallucinations télépathiques. p. 141.
  2. Id., p. 193.