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LES
LIVRES D’ÉTRENNES

Si, parmi les livres d’étrennes, il y en a toujours quelques-uns dont on est bien aise de n’avoir point à parler longuement, — ou même dont on ne saurait mieux exprimer ce que l’on pense qu’en n’en parlant point du tout, — il y en a d’autres au contraire dont on est toujours fâché de ne pouvoir assez louer le solide mérite, et le Rembrandt[1] de M. Emile Michel est assurément de ceux-là. Livre d’érudition et de critique savante, où tant de travaux, dont Rembrandt a été l’objet, sont habilement résumés, jugés eux-mêmes, et fondus ensemble dans l’unité d’un seul récit ; biographie d’artiste, où l’histoire de l’homme et celle de son temps se mêlent, sans que jamais les droits du « milieu, » si je puis ainsi dire, nuisent à ceux de l’individualité ; chapitre enfin d’esthétique générale, où dans chaque jugement du critique on sent l’expérience du peintre, la possession des secrets du métier, l’amour passionné de l’art et de la vérité : M. Emile Michel était, je crois, le seul en France qui pût aujourd’hui l’écrire, et, certains de ne pas nous tromper en suivant un tel guide, si consciencieux et si sûr, si sincère et si bien informé, qui ne cache ni ne déguise rien, nous aimerions, si nous le pouvions, à parler après lui, non pas peut-être du plus grand, ni du plus noble, ni du plus facile à comprendre, mais du plus étonnant, du plus « prestigieux, » du plus réaliste, et du plus « surnaturel, » comme on l’a dit, ou du plus « symbolique » des grands peintres. « Assez formel pour nous suggérer ce qu’il veut, assez

  1. Rembrandt, sa vie, son œuvre et son temps, par M. Emile Michel, membre de l’Institut, ouvrage contenant 343 reproductions directes, 1 vol. grand in-8o ; Hachette.