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vit tout à coup le portrait de son frère comme animé et paraissant avoir l’œil gauche crevé et ensanglanté, qu’elle en avait éprouvé une impression très vive et très pénible, et qu’à partir de ce moment il fut impossible de la dissuader qu’elle avait perdu son fils. Mme Escourrou a signé des déclarations conformes à ce qui précède, sauf qu’elle ne se souvient pas d’avoir vu l’œil ni le visage ensanglantés, mais bien d’avoir vu l’un des yeux semblant sortir de l’orbite, et le portrait comme animé et avec des traits mobiles. M. Escourrou père, capitaine en retraite, ancien commandant de recrutement du Gers et de l’Yonne, atteste, autant que ses souvenirs le lui permettent, et peut confirmer le récit de Mme Escourrou. M. Escourrou fils a confirmé aussi par écrit les renseignemens déjà donnés par lui. Enfin M. G. Doussan, ancien sous-officier du 2e zouaves, affirme, également par écrit, que le capitaine Escourrou fut bien tué à l’attaque de Puebla, le 29 mars 1863, par une balle reçue dans l’œil gauche. Un document officiel confirme la date de la mort du capitaine[1]. On connaît un autre fait tout à fait analogue.

Les hallucinations télépathiques peuvent, comme on a pu le voir, se produire pendant la veille, ou bien prendre la forme du rêve. Elles prennent aussi diverses apparences ; au lieu de voir une apparition, la personne hallucinée croit parfois entendre un appel. M. R. Fryer entend, pendant l’après-midi, vers cinq heures et demie, la voix de son frère qui l’appelle distinctement par son nom. Son frère, M. John E. Fryer, donne, de son côté, le récit suivant : « Je faisais un voyage pendant l’année 1879, et j’eus à m’arrêter à Glocester. En descendant du train je tombai, et un employé du chemin de fer m’aida à me relever. Il me demanda si je m’étais fait mal, et si quelqu’un voyageait avec moi ; je répondis non aux deux questions, et lui demandai pourquoi il les faisait. Il répondit : « Parce que vous avez appelé Rod. » Je me rappelle parfaitement avoir prononcé le mot « Rod. » À mon arrivée à la maison, un ou deux jours plus tard, je racontai l’incident, et mon frère me demanda l’heure et le jour. Il me dit alors qu’il m’avait entendu l’appeler à ce moment-là. Il était si sûr que c’était ma voix, qu’il chercha si j’étais dans la maison[2]. »

Jusqu’ici tout peut s’expliquer par une sorte de transmission, de communication de la pensée. Cependant d’autres faits paraissent

  1. Annales des sciences psychiques, 1891. Ce fait présente une particularité très curieuse et que je me contente de signaler ici. D’après la comparaison des heures, il semblerait que l’hallucination s’est produite avant l’événement auquel elle se rapporte.
  2. Les Hallucinations télépathiques, p. 293-294.