il y a le péril moral. Vous nous avez dit que le Juif, notre égal, parfois notre supérieur pour l’intelligence, nous était fréquemment inférieur pour l’âme, pour le caractère. S’il n’y a pas de génie national juif, n’y a-t-il pas un esprit juif qui est en train de corrompre l’esprit français, de corrompre l’esprit allemand, l’esprit russe, l’esprit américain ? car, Néo-Latins, Teutons, Slaves ou Anglo-Saxons, c’est une croyance reçue de chacun de nous que notre sang est pur et notre race saine. Chaque nation se persuade volontiers que la corruption lui vient du dehors. Ingénuité ou hypocrisie peu digne de grands peuples !
Y a-t-il un esprit juif, c’est-à-dire les Juifs ont-ils des tendances morales et sociales radicalement différentes des nôtres ? Cela encore me paraît douteux. S’il y a un esprit juif, c’est dans le sens où il y a un esprit catholique, un esprit protestant, dans le sens confessionnel. Cet esprit juif, on le retrouve presque intact dans les juiveries de l’Est, là où les fils d’Israël vivent en groupes compacts ; il est respectueux du passé, attaché à la tradition ; il est formaliste et défiant des nouveautés. Voilà l’esprit judaïque tel que l’ont façonné le Talmud et le ghetto. Ce n’est pas là ce que d’habitude, en Occident, on appelle l’esprit juif ; c’en est plutôt le contraire, — car, j’en ai déjà fait la remarque, ce que notre ignorance entend d’ordinaire par l’esprit juif, c’est l’esprit du Juif déjudaïsé à notre contact, esprit de négation que le Juif a pris chez nous en respirant l’air et les miasmes de notre atmosphère. Cet esprit trop commun chez eux, esprit de révolte contre toute tradition et toute autorité, il est juif à peu près comme l’esprit de Voltaire et de Diderot est catholique. Il a été inoculé aux fils de la Synagogue par des chrétiens. La démonstration en a encore été faite sous nos yeux en Russie. J’ai dit ailleurs comment le nihilisme russe déteignait sur la jeunesse juive qui fréquentait les écoles russes[1]. Il en a été de même en Allemagne, de l’hégélianisme, du pessimisme, du matérialisme. Ici ce qui caractérise le Juif, c’est que de même que le catholique et à l’inverse du protestant, il passe souvent sans étapes, et comme d’un saut, de la foi de ses ancêtres à la négation totale, — et à l’inverse du catholique, le dogme et le rituel qu’il abandonne, il est rare que le Juif y revienne.
Laissant de côté, pour aujourd’hui, les questions sociales et la politique, à quoi reconnaissons-nous l’esprit juif et en quoi se manifeste-t-il ? Est-ce dans le mercantilisme qui s’est glissé partout ; dans la recherche du bien-être et de ce qu’on appelle, d’un nom étranger à Israël, le confortable ? Est-ce dans l’amour du lucre et
- ↑ Voyez l’Empire des Tsars et les Russes, t. II, livre VII, ch. II ; cf. t. III. livre IV, ch. III.