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voulu se brûler. C’était bien à cette place-là. Quand Mme B… fut réveillée, je vis avec étonnement qu’elle tenait encore son poignet droit et se plaignait d’y souffrir beaucoup sans savoir pourquoi. Le lendemain, elle soignait encore son bras avec des compresses d’eau fraîche, et, le soir, je constatais un gonflement et une rougeur très apparens à l’endroit exact où mon frère s’était brûlé ; mais il faut remarquer qu’elle s’était touché et gratté le bras pendant la journée. »

Des expériences analogues sont rapportées dans les comptes-rendus de la Society for psychical researches. Peut-être faut-il aussi en rapprocher certains faits étranges de lucidité où l’on voit des somnambules éprouver les douleurs, les souffrances physiques ou morales d’une personne avec qui on les met en relation en leur faisant, par exemple, toucher de ses cheveux et en déduire un jugement sur son état. On n’oserait guère parler de pareils faits si M. Richet n’avait récemment publié des expériences passablement troublantes, sinon tout à fait décisives. Je lui laisse la parole : « Je vais avec Héléna (c’est une somnambule qui a quelque peu l’habitude des consultations) chez Mme de M… qui l’interroge sur divers malades. Il va de soi que je recommande à Mme de M… de ne rien dire dans le cours de cet interrogatoire, et elle se conforme rigoureusement à ma recommandation, de sorte que c’est moi seul qui parle à Héléna et j’ignore absolument quels sont les malades dont il est question.

« Pour le premier malade, Héléna dit : « J’ai mal aux nerfs. Je suis très agitée. Je ne peux me soutenir, j’ai mal à la tête et dans le derrière de la tête, mais moins qu’à la poitrine. Les jambes faibles. Je suis presque sans connaissance. » Le diagnostic est relativement exact ; il s’agissait d’une femme atteinte d’une grande irritation bronchique chronique. Elle tousse depuis plusieurs années, en outre, elle a un peu d’hystérie et un état de spleen et de tristesse presque insurmontable, avec une grande irritation nerveuse. La consultation continue. Pour le second malade, Héléna dit : « Fièvre, mal dans les reins, j’ai chaud et je souffre dans les reins. » En disant les reins, elle montre uniquement le foie. « Le diagnostic est exact. Il s’agissait de M. B… qui n’a à la vérité aucune fièvre, mais qui souffre depuis deux ans d’une affection hépatique rebelle avec un teint bilieux et des douleurs vives dans la région hépatique. » Enfin, pour un troisième malade, Héléna dit : « J’ai mal à la tête, je ne puis définir ma sensation. Je suis à bout de forces, sur le point de m’évanouir, minée par la fièvre. Ce n’est pas un mal violent, c’est un mal languissant, un malaise indescriptible ; j’ai mal partout et mal nulle part. » Ici encore, d’après M. Richet, le