Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 114.djvu/762

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES
JUIFS ET L’ANTISÉMITISME

IV.[1]
LE GÉNIE JUIF ET L’ESPRIT JUIF.

Un mot en commençant : vous revenez donc aux Juifs, me dira-t-on peut-être ; vous quittez, pour ces peu intéressans sémites, les grandes questions sociales et religieuses, les questions vitales qui passionnent aujourd’hui les intelligences ? — Non, vraiment, car l’antisémitisme aussi est une question sociale, — et en étudiant les Juifs et l’esprit d’Israël, comme en examinant les enseignemens du pape sur le socialisme et la démocratie, j’ai toujours en vue le même objet : la liberté religieuse et la paix sociale. Caritas et Pax, telle reste ma devise, et, si je ne m’abuse, c’est une devise chrétienne que peut arborer un Français.

J’ai essayé de faire la physiologie et la psychologie du Juif. C’est là chose malaisée. Tous les Israélites n’ont pas été satisfaits du portrait que j’ai tracé d’eux. Quelques-uns ont cru de leur devoir de me répondre. Un grand-rabbin a pris la peine de me montrer que j’avais été sévère, parfois même injuste pour Israël[2]

  1. Voyez la Revue des 15 février, 15 mai et 15 juillet 1891.
  2. Voir, dans l’Univers israélite du 1er novembre 1891, la lettre de M. le grand-rabbin Lehmann : « Qu’auriez-vous pensé, m’écrivait-il, si nous avions accepté sans révolte certaines de vos appréciations ? Vous n’auriez eu que trop raison alors ! Sans honneur et sans conscience, qu’est-ce qui restera aux Juifs ? » — Ce grand-rabbin n’avait pas tort, je ne lui en veux point de se révolter contre certains de mes jugemens ; cela même montre qu’ils ne sauraient s’appliquer à tous ses coreligionnaires. Quelques-uns d’entre eux, des officiers de notre armée, ont protesté, à leur façon, l’épée à la main ; et la rencontre où est tombé le capitaine Meyer ne permet plus de dire que le point d’honneur est un sentiment étranger aux Juifs. Je n’en crois pas moins mes jugemens fondés, au moins pour le grand nombre, en expliquant, comme je l’ai fait, ces défectuosités morales par les traitemens infligés aux Juifs dans le passé.